Alaska de Claudio Cupellini
Note : 3/5 – Une histoire d’amour désenchantée par une dure réalité sociale
Synopsis
Fausto est italien et vit à Paris. Il essaie de joindre les deux bouts en travaillant en tant que serveur dans un grand hôtel. C’est sur un toit de Paris qu’il rencontre Nadine, 20 ans, en pleine séance photo pour des sous-vêtements. Ils sont seuls, fragiles, et obsédés par une idée du bonheur qui semble inatteignable. C’est ainsi qu’ils se reconnaissent dans l’autre. Ils vont s’aimer, se perdre, souffrir et tenter d’atteindre ensemble ce bonheur impossible.
C’est ce 27 janvier 2016 que je suis rendue dans les studios de Bellissima pour cette rencontre exclusive avec le réalisateur, Claudio Cupellini, et l’acteur, Elio Germano.
Interview de Claudio Cupellini et Elio Germano
- Qu’est ce qui vous a inspiré pour écrire ce film ?
Claudio: J’avais envie d’écrire cette histoire d’amour dont les influences cinématographiques et littéraires sont différentes de ce que j’ai l’habitude de faire. Pour moi, il s’agissait d’un retour aux sources du cinéma, à savoir le cinéma de François Truffaud, qui m’a toujours plu et influencé mais aussi le livre de Fitzgerald, Gatsby le Magnifique, mélangé bien sûr à du vécu. Il y a eu beaucoup d’échanges autour des personnages, pendant longtemps.
- Comment percevez-vous cette histoire d’amour indissociable de la thématique sociale finalement ?
- Avez-vous tourné dans de vraies prisons ? Est-ce facile d’obtenir ces autorisations ?
Claudio: Nous avons effectivement tourné dans de vraies prisons, cela n’a pas été facile d’obtenir ce genre de permis. Il a été difficile d’y entrer, mais parfois même d’en sortir, ayant sympathisé avec beaucoup de gens de la prison (rires). Nous avons tourné dans une prison italienne et le plus gros travail fut un travail de scénographie pour la rendre conforme à l’image d’une prison française.
Elio: Oui, et c’est toujours intéressant pour un acteur de tourner dans un lieu authentique comme celui-là. Je connaissais déjà le milieu carcéral, ayant travaillé là-bas en Italie, donc je savais comment cela marchait.
- Quels ont été vos rapports avec les prisonniers pour vous imprégner dans votre rôle ?
- Comment votre choix s’est-il tourné vers Roschdy et Astrid ?
Et un jour, en venant dans une maison d’édition, je tombe sur une affiche de Roschdy Zem et je me suis dit qu’il ferait un Benoît parfait. C’est alors que le producteur m’a annoncé qu’il était plus apte à interpréter un rôle principal ou rien. Je me suis dit que j’allais tout de même passer un coup de téléphone, et Roschdy a accepté très volontiers car, bien qu’il s’agisse d’un personnage secondaire, le rôle tenait une certaine complexité qui pouvait être intéressante à interpréter.
Elio: Avec Astrid, nous avions travaillé en amont du tournage pendant deux mois, car nous devions respectivement apprendre le français et l’italien.
Claudio : Oui et ce travail qu’ils ont effectué m’a beaucoup aidé car quand je suis revenu de Milan, ils avaient déjà créée des personnages riches et avancés, qui ont eux-même enrichi mon point de vue sur l’histoire.
- L’histoire d’amour semble fonctionner seulement lorsqu’il y a un déséquilibre ? Pensez-vous que les personnages auraient pu être ensemble si leur histoire n’était pas si chaotique ?
Claudio: Il y a d’ailleurs cette didascalie dans le film, « les choses vont bien parce qu’elles vont mal » qui est un moment important du récit. Effectivement, ce sont des personnage qui vivent dans un déséquilibre continu. Ils ont un processus de maturation qui les amène à avoir des rôles inversés. Or, cette sérénité ils la trouvent à la fin du film et bien que Nadine soit en prison, ils trouvent, par ce biais, cette sérénité qu’ils cherchaient ensemble.
- Peut-on dire que Nadine et Fausto n’existent qu’à travers l’argent ?
Claudio: Et puis c’est vrai que de nos jours, nous vivons dans une sorte de chantage continu de l’argent. Il y aura toujours cette préoccupation économique quelques soient les ambitions de chacun. Et bien que cela ait existé à d’autres époques, cela est particulièrement présent aujourd’hui. Ces personnages peuvent sembler passifs mais ils sont toujours à contre-courant et leur agressivité s’exprime dans la capacité à faire du mal, et par du cynisme aussi. Il ne s’agit pas forcement d’une violence physique mais d’une violence psychologique. Ils sont très cruels l’un envers l’autre. Par exemple, lorsque Nadine revient et dit a Fausto qu’elle a «baisé avec un autre», elle insulte clairement la seule chose de beau qui leur appartenait. De même lorsque Fausto la voit revenir dans la discothèque, il se violente lui-même. C’est-à-dire qu’il adopte cette froideur qui lui permet de se protéger mais qui, en même temps, violente ses propres sentiments. De plus, c’est quelqu’un qui ne réussit pas à se décider.
- Il y a aujourd’hui une très grande esthétisation du cinéma moderne Italien, et vous-même avez fait très attention à travailler les cadrages, la lumière, la musique…
Claudio: Concernant la musique, j’ai choisi un musicien qui ne travaille pas du tout dans le milieu de la musique électronique mais dans l’industrie du rock, donc il ne s’agissait pas pour moi, de «décorer» le récit de cette manière. Je voulais que la musique dégage quelque chose d’agressif qui puisse correspondre aux personnages. La musique doit aussi être au service du récit selon moi.
- Qu’est ce qui vous a plu dans la complexité de ces personnage ?
Elio: Ce qui est intéressant dans le rôle de Fausto, c’est qu’il s’agit d’un personnage constamment tiraillé. Il doit toujours faire des choix entre ce qu’il doit faire pour faire avancer sa carrière et ce qu’il veut faire. Et c’est ce tiraillement qui m’a touché. Il faut toujours prendre une décision dans la vie, et c’est ce que le film raconte.
- Comment s’est fait le choix du titre, Alaska ?
Claudio: Je voulais éviter les clichés de titre romantique. Alors, oui l’Alaska est un état des États-Unis, mais c’est également l’état de la ruée vers l’or, d’une aventure extrême, d’un territoire froid et hostile. Tous ces sentiments sont ressentis par les personnages.