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Masterclass Sin City 2 : Robert Rodriguez et Frank Miller

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 Frank Miller est un scénariste et dessinateur de comics. Il a créé l’univers de Sin City et le porte à l’écran avec Robert Rodriguez.

Robert Rodriguez est un réalisateur américain (Desperado, Planète Terreur, Machete) passionné de comics qui co-réalise Sin City 2.

Masterclass du 11 septembre 2014 – Paris

Frank Miller, il y a 25 ans vous avez travaillé dans le milieu de la bande dessinée mainstream chez Marvel et DC Comics. Puis, vous avez décidé de créer vos propres univers, vos héros plus personnels. Quel était votre état d’esprit à l’époque par rapport à la bande dessinée et son adaptation possible ?Frank Miller

 : L’histoire est assez simple, j’ai travaillé en tant que scénariste pour Hollywood et cela ne s’est pas très bien passé. Du coup, j’ai en effet décidé de faire mes propres comics.

Etant enfant, je lisais des comics tout le temps. Puis, à 12 ans, j’ai découvert les filles et d’autres choses… J’ai décidé que les histoires de crimes étaient ce que j’aimais vraiment.

J’ai déménagé à New York à l’âge de 17 ans dans l’espoir de percer dans le milieu des comics. Mais les éditeurs m’ont vite signifiés qu’ils ne publieraient pas un gars sur la base de seuls scripts… Puis le temps a passé, je me suis concentré sur l’univers de mes comics.

J’ai pu faire ce qui m’a plu, me focaliser sur mes histoires, mes personnages. Mon univers était peuplé de belles femmes, de gars costauds en trench-coat…

J’ai commencé Sin City comme LE comic book qui ne serait jamais adapté au cinéma ! Et je suis très sérieux sur ce point !

Puis un jour, Robert Rodriguez m’a appelé et m’a dit qu’il savait comment faire de Sin City un film.

Il m’a vendu l’idée, m’a tenté, et finalement j’ai accepté !

 

Pendant très longtemps, il paraissait peu plausible de voir Spider-Man ou Superman voler entre les immeubles dans un beau costume. Mais désormais, la technique permet cette adaptation. Quelle est votre sentiment par rapport à ces possibilités nouvelles de la réalisation technique ? Comment avez-vous appréhendé le comic book Sin City ?

Robert Rodriguez : J’ai débuté en tant que cartooniste (ndla : dessinateur de BD) et j’étais déjà un grand fan de Sin City, de son style. Frank Miller est l’un des rares qui dessine et écrit ses scénarios, qui a une vision globale de son univers. J’achetais avec frénésie les comics, les hors-séries, les romans graphiques de Sin City dès leur sortie ! Puis, en rentrant chez moi, je constatais avoir déjà ces copies en double voire en triple…

J’ai donc décidé qu’il fallait que j’en fasse un film pour justifier tout l’argent que j’avais dépensé dans ces livres ! *RIRES* Connaissant les personnages, la profondeur de l’histoire, je savais que si Hollywood se lançait dans le projet, ils ruineraient Sin City car ils ne reproduiraient pas l’aspect visuel fort de cette œuvre. Ils auraient pris l’histoire et l’auraient transformée en un film classique en ratant la moitié du concept de Sin City.

J’ai réalisé les possibilités de la technique lorsque j’ai tourné Spy Kids 3 sur fond vert. Je me suis rendu compte que le futur de la réalisation des films dont parlaient Georges Lucas et Francis Ford Coppola était sous mes yeux. Sin City pouvait devenir un film, tout en respectant les codes du comics, son aspect graphique marqué et le porter fidèlement à l’écran.

Nous avons fait l’inverse de la production classique : nous avons pensé un comic à l’écran et non transformé un comic en film. Je ne voulais pas faire de Sin City un film mais plutôt apporter du mouvement à son œuvre. Que l’on puisse dire au cinéma : c’est Sin City de Frank Miller et pas Sin City de Robert Rodriguez.

Pour lancer le projet, j’ai réalisé un test en studio, puis l’ai présenté à Frank Miller car je ne pensais pas pouvoir réussir. Frank s’est enthousiasmé pendant 2 minutes puis a pensé à tous les aspects négatifs que sont le scripting, l’envoi à un studio, les droits, les contrats…

J’ai pu le convaincre en proposant de s’affranchir de ces contraintes en utilisant mon propre studio, en rédigeant le script ensemble, en réalisant une scène d’ouverture gratuitement ! J’ai apporté une garantie personnelle d’implication car je croyais au projet ! A cette nouvelle manière de penser les films… Du coup, nous nous sommes tellement amusés que nous avons continué à filmer les scènes ensemble, en co-réalisation !

Frank Miller : Lorsque Robert dit qu’il était un cartooniste, je le reprends toujours en disant qu’il est TOUJOURS un cartooniste et qu’il a fait évoluer la manière d’aborder les comics au cinéma. Il est un magicien de la technique.

Quelle est votre approche narrative pour parvenir à retranscrire scène après scène et non pas page après page l’ensemble de l’histoire de Sin City en film ? Est-ce facile ou difficile d’adapter fidèlement un comic book aussi particulier dans le style ?

Frank Miller : Je cite robert : « Si c’est une sculpture, un comic book, un film, c’est la même chose ! C’est raconter une histoire qui compte. ».

En l’occurrence, ce sont les acteurs qui ont fait un grand travail. Ils travaillent dur, sont dévoués, et s’imprègnent fortement de leurs personnages. Dieu bénisse les acteurs. Ils amplifient et donnent de la profondeur à mes personnages.

Robert Rodriguez : Sin City est tellement riche ! La partie la plus difficile est de condenser cette œuvre. Je me suis plongé dans les livres pour intégrer totalement les dialogues, toutes les descriptions, afin d’en sortir un condensé le plus fidèle possible. Les choix de laisser de côté ou intégrer certains passages ont été difficiles car nous voulions tout garder.

Certaines scènes sont extrêmement fidèles, notamment la scène de la piscine qui est de l’ordre du plan pour plan.

C’est ce que Hollywood ne fait pas : ils ne voient pas quelque chose qu’ils aiment et l’adaptent fidèlement. Ils se sentent obligés de tout changer. Cela ne rend pas le résultat meilleur mais juste différent, si ce n’est pas mauvais.

Lorsque j’ai travaillé sur le premier Sin City, je n’ai rien inventé, je me suis seulement penché sur l’édition, le montage, la réalisation. Toute la richesse de Sin City était déjà dans le livre, je n’ai rien voulu bouger, c’était déjà tellement parfait.

 

Pensez-vous réaliser un Sin City 3 ? Sur la base de quel opus des nombreuses histoires du comic ?

Robert Rodriguez : Si le public va voir Sin City 2 et soutient le film, nous serions heureux d’en faire un troisième ! L’histoire de Sin City est très très riche ! Il y a encore beaucoup à exploiter. Je pense notamment à Sin City : L’Enfer en retour (Hell and Back).

Frank Miller : Oui, nous adorerions en faire un troisième ! Nous sommes impatients ! J’ai des idées pour Marv et Nancy Callahan en particulier que j’adorerai partager avec vous dans Sin City 3.

 

Pourquoi le projet Sin City 2 a mis autant de temps, 9 ans, pour sortir ?

Robert Rodriguez : Les films ont tous une temporalité bien à eux…quoique vous fassiez. Le premier Sin City a été fait plus vite qu’aucun film de Hollywood. Je me suis penché dessus en novembre, j’ai travaillé sur le script en décembre et nous tournions déjà en janvier. Aucun film n’a jamais été aussi vite surtout car nous n’avions pas besoin de plateau mais uniquement de fonds verts !

Pour Sin City 2, ça a été tout le contraire… cela nous a pris 9 ans. Nous étions prêts à tenter de le faire en 2007 mais des changements organisationnels chez MIRAMAX et WEINSTEIN ont ralenti le projet. Ils n’étaient pas prêts, ils devaient faire le ménage chez eux avant.

Nous avons donc fait 4 ou 5 films en attendant de pouvoir discuter du script. Mais cela ne nous a pas paru si long.

Frank Miller : L’idée seulement s’est vendue très facilement auprès de tout le monde pour le premier opus. Pour cette suite, nous avons eu besoin d’approfondir les personnages et le script.

 

Comment avez-vous convaincu ce casting incroyable de venir tourner au Texas ?                  

Robert Rodriguez : Les acteurs ont en réalité adoré tourné à Austin, Texas plutôt que dans un endroit lointain et low cost. Austin est une ville très créative, il n’y a pas de studios autour, pas de producteurs, juste moi et mon environnement hyper créatif ! Ils ont été très libres pour jouer des personnages qu’ils n’avaient pas l’habitude d’incarner.

De plus, il n’est pas très difficile de les convaincre de venir tourner dans cet univers particulier qu’est Sin City de Frank.

Frank Miller : En réalité, de nombreuses femmes aiment être belles et très puissantes et dans Sin City, elles ont les deux !

Le casting a-t-il été choisi pour ressembler physiquement à la bande dessinée ?                                          

Robert Rodriguez : Tout à fait, le casting a porté notamment sur des acteurs et actrices qui ressemblait physiquement aux personnages de la bande dessinées.

Eva Green ressemble très fortement à Ava Lord. Des prothèses ont été nécessaires à Mickey Rourke pour être au plus proche du physique de Marv et au contraire, Ray Liotta à la même tête que Joey.

De même pour Josh Brolin qui incarnant Dwight McCarthy.

Il nous est quand même arrivé de prendre le meilleur acteur mais j’ai toujours cru en le dessin de Frank Miller et souhaitait vraiment coller au plus proche de cette vision.

Frank a parfois voulu modifier certains passages du script et je l’ai souvent stoppé en lui proposant de rester sur son roman graphique originel, le plus fidèlement possible.

Frank Miller : A l’époque, je n’aurai jamais imaginé d’aussi belles femmes telles Jessica Alba et Eva Green dans la réalité. J’ai été ébahi d’apprendre que ces femmes existaient vraiment !

On aperçoit dans le film un paquet de cigarette de marque Red Apple. Forcément, j’ai pensé à Quentin Tarantino qui avait réalisé une scène dans Sin City 1. S’est-il impliqué dans ce nouvel opus ?   

Robert Rodriguez : Non, il était en train de tourner Django Unchained en même temps. Je ne pense pas qu’il aurait accepté de venir tourner car nous avons réalisé Sin City 2 de manière très morcelée.

De nombreux acteurs ne se sont même pas rencontrés ! Le casting de Josh Brolin effectué, nous avions déjà enregistré tous les passages avec Mickey Rourke. Ils boivent ensemble, sont dans la même voiture mais ont dû jouer séparément. C’est la magie du fond vert !

La présence d’un invité-réalisateur aurait été très difficile à gérer.

Frank Miller : Je n’ai jamais eu autant de plaisir à travailler aussi dur. Nous avons eu des très bons moments. Robert est très exigeant et nous avons été tellement impliqués dans Sin City que nous n’avons pas eu besoin d’appeler des renforts.

 

Après avoir ruiné Daredevil, Ben Affleck va jouer dans le prochain Batman. Qu’avez-vous pensé de la trilogie Batman de Christopher Nolan et du film Daredevil ?          

Frank Miller : J’ai fait de mon mieux pour ne pas les voir. Il y a une excellente raison : je ne verrais pas ce qu’ils ont voulu faire. Une fois que je me suis attaché à un personnage que j’ai scénarisé et dessiné, je ne le vois qu’à ma manière.

 

A lire aussi, la critique de Sin City : A Dame To Kill For (nouvelle fenêtre) 

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