Définition
Qu’est-ce qu’un flashback ? C’est une technique narrative qui évoque un événement antérieur au moment où l’on se trouve dans l’histoire. Son équivalent littéraire est l’analepse. Le premier flashback dans un film apparaît en 1901 dans Histoire d’un crime. Novateur à cette époque, c’est désormais un outil scénaristique que l’on retrouve régulièrement au cinéma. Ainsi, découvrons ensemble les multiplies utilités du flashback, comment l’amener et les autres techniques qui lui ressemblent tout en étant différentes.
Qu’est-ce que cela apporte à l’histoire ?
Même si cette technique est parfois mal vue, perçue comme une facilité scénaristique trop souvent employée, elle a des avantages indéniables. Certes, il est toujours possible de l’éviter mais elle peut donner de manière originale des détails importants à une histoire ou apporter un effet intéressant. J’ai listé pour vous ce qu’elle peut ajouter à un scénario :
Un récit
En effet, tout simplement, la liste de films utilisant un flashback pour raconter leur histoire est longue ! Le personnage principal est rapidement défini puisque c’est souvent lui qui narre ses aventures. On sait alors ce qui lui arrive vers la fin de l’histoire, mais pas comment il en est arrivé là, ce qui aiguise notre sens de la curiosité et nous pousse à poursuivre notre visionnage. On s’y attache plus facilement car l’on détient alors son point de vue sur chaque péripétie vécue.
Par exemple, The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson est un chef d’œuvre en la matière ! Le film débute par une jeune fille se recueillant devant le buste d’un auteur, tenant l’un de ses livres en mains. Flashback : retour en 1985 ! Vision face caméra de l’auteur en question qui partage quelques mots sur le fait que l’inspiration vient en observant les événements. Nouveau flashback : retour en 1968 ! Il se trouve presque seul au Grand Budapest Hotel, établissement auparavant prestigieux qui a perdu de sa magnificence, et voit un homme, lui aussi esseulé. L’homme s’avère être le propriétaire de l’hôtel et l’invite à diner pour lui raconter son histoire. Vous vous en doutez, nouveau flashback : retour en 1932 ! Zero Moustafa, le conteur, était alors un simple assistant du concierge de l’hôtel qui connaissait son âge d’or. Ainsi commence l’histoire principale, celle de Zero et Mr. Gustave, du point de vue de Zero lui-même. En seulement 10 minutes, nous traversons 3 flashbacks, 4 époques, afin d’enfin accéder au récit que l’on attendait tant. Plus simplement, des films comme Forrest Gump débutent avec un plan sur le personnage principal en action, ici Forrest Gump assis sur un banc cherchant à parler aux passants, avant qu’il ne revienne sur ce qui l’a amené ici.
Des informations
Au-dessous de toute une histoire, de simples bribes du récit peuvent être apportées par un flashback. C’est d’ailleurs son utilité première ! Des notions manquantes à la pleine compréhension de l’histoire sont alors amenées au moment choisi par le scénariste. On voit alors le passé de ce méchant, expliquant comment il est devenu si cruel, cette scène de corruption qui justifie pourquoi untel a trahi untel… Même si l’on a déjà connaissance de l’information (par exemple : Monsieur X est le tueur), il arrive que l’on nous dévoile tout de même comment s’est déroulé le meurtre via un retour dans le passé. Ceci afin de nous convaincre par l’image de la véracité de l’histoire en nous apportant des détails concrets et nécessaires pour satisfaire notre méfiance naturelle de spectateur.
Par exemple, Je suis une légende de Francis Lawrence nous plonge dans un monde post-apocalyptique ravagé de « zombies » où peu de survivants existent. Robert Neville, joué par Will Smith, survit seul à New York après ces événements tragiques. Les flashback servent à nous expliquer petit à petit qui il est, comment a démarré la pandémie, ce qu’il est advenu de sa famille et comment il en est arrivé là précisément. Le flashback était le meilleur moyen pour répondre à nos interrogations, Robert Neville parlant seul à voix haute pour raconter les événements passés n’étant absolument pas réaliste. Alterner le passé et le présent permet ici de changer d’ambiance, de ne pas ennuyer le spectateur tout en lui apportant continuellement de l’action (présent) et des informations (passé).
Des questions
A l’inverse, il arrive parfois que le flashback soit utilisé pour nous embrouiller et qu’il ne nous aide pas forcément. Ça peut être une bonne technique dans un thriller ou polar pour nous inoculer des doutes sur la culpabilité d’un personnage ou sur le déroulement du meurtre. Il peut aussi nous mettre sur la piste, au fur et-à-mesure des flashs, nous laissant deviner par nous-mêmes ce qu’ils signifient.
Par exemple, dans Split de M. Night Shyamalan, Casey est enlevée, ainsi que deux autres filles, par un homme souffrant de troubles dissociatifs de la personnalité. Alors qu’elles ne comprennent pas ce que leur kidnappeur attend d’elles, Casey replonge dans un souvenir incongru face à une telle situation. Elle se revoit, très jeune, discutant de chasse avec son père et son oncle, dans un restaurant. Rien de plus. Ainsi, on se demande quel est le lien entre cette scène somme toute paisible et l’horreur qu’elle vit actuellement. La chasse ? Un des personnages présents ? Un autre détail qui serait passé à la trappe ? En réalité, ce n’est sûrement pas à cette scène précisément qu’elle repensait. Celle-ci survient alors non pas comme un souvenir mais bel et bien un flashback qui nous est destiné. Ce n’est qu’au fur et à mesure de ces retours dans le passé que l’on comprend ce qui se cachait vraiment derrière ces flashs.
De l’humour
Evidemment, un film comique peut avoir recourt à cette technique simplement dans le but de faire rire, de jouer sur cet effet scénaristique. Elle peut être un prétexte pour glisser une blague dans la scène du passé dévoilée ou carrément se servir du concept et s’en amuser pour bousculer les codes.
Par exemple, la série humoristique canadienne Le cœur a ses raisons, qui parodie des téléfilms comme Les feux de l’amour met parfois en place des flashbacks sans aucune utilité, totalement gratuits, dans le simple but de faire rire par le surréalisme de la scène et le sur-jeu des acteurs. Voici l’un d’entre eu où les personnages jouent avec la « complexité » de cette technique. Criquette, la femme, va jusqu’à faire elle-même la petite musique mélancolique censée les replonger dans le passé, cinq minutes plus tôt.
A noter, on constate que le flashback dans les séries peut servir à gagner du temps en rappelant des événements antérieurs dans le seul but d’avoir assez de matière pour un épisode qui aurait, sinon, été trop court. Certains voient aussi en lui l’occasion de faire réapparaître un personnage décédé mais très apprécié du public via des scènes passées inédites, dans le but de garder de l’audimat.
Comment faire comprendre que l’action se situe dans le passé ?
Maintenant que l’on sait à quoi le flashback sert, encore faut-il savoir comment s’en servir. Si certains réalisateurs prennent le parti d’embrouiller les spectateurs en alternant, sans prévenir, des scènes du présent et du passé, la majorité préfère mettre les choses au clair.
Effets de transition
Comme démontré plus haut, avec Criquette essayant de reproduire une mélodie de transition, un effet sonore peut être utilisé pour nous faire comprendre que l’on change d’instant. Une musique relative à l’époque dans laquelle on est plongé où un son distinct associé au changement de temps/lieu sont des possibilités. Il est courant que la scène commence par un plan sur une radio annonçant la date complète du jour, suivie par une chanson populaire de cette époque. Dans le cas d’une histoire narrée par un personnage, lui même indiquera généralement au spectateur que l’on retourne dans son passé.
Visuellement, la scène peut être en noir et blanc ou floue, signes d’une époque lointaine. Plus simplement, on retrouve généralement un flash blanc ou une image qui se brouille, en guise de transition. La coupure doit juste être plus insistante que lors d’une transition normale entre deux scènes qui se suivent. Certains ne s’embêtent pas et font au plus clair : un fond noir avec une inscription indiquant la date et le lieu de la scène qui arrive.
Dans Titanic la transition est visuelle avec la superposition en transparence de l’image du présent à celle du passé. Nous savons aussi que l’on est plongé dans le passé car Rose relate ses souvenirs. Par ailleurs, la première personne qui apparaît clairement est une jeune fille, pour nous faire comprendre qu’il faut l’associer à Rose dans sa jeunesse.
Mouvements de caméra
La caméra, comme le cadre, joue également un rôle crucial ! Il est fréquent de voir un zoom sur la tête du personnage que l’on va revoir dans son passé. Cet effet reste tout de même plus souvent utilisé lors d’un souvenir, qui ne doit pas être confondu avec le flashback (explication plus bas). Les mouvements de caméra révélant un flashback peuvent aussi bien être le zoom qu’un travelling vertical ou horizontal pour nous entraîner en douceur d’une scène à l’autre, dans un environnement similaire.
La plupart des plans d’un film étant des plans rapprochés ou moyens, passer à une scène en plan général ou d’ensemble indique un nouveau contexte, potentiellement de nouveaux personnages, en tout cas quelque chose de nouveau à présenter. Changer l’échelle des plans est donc une autre solution.
Les décors et costumes
Il est intelligent de jouer sur tous les plans, ainsi le lieu et les vêtements peuvent être radicalement transformés. Si le film se déroule toujours dans des endroits très lumineux et ensoleillés, situer le flashback dans un espace sombre ou pluvieux est assez clair. De même, si le personnage principal porte toujours un foulard, le voir enfant avec ce même foulard nous fait prendre conscience qu’il s’agit là de la même personne. Au contraire, si le flash ne se situe que quelques mois auparavant, retirer au personnage son foulard iconique dans cette scène nous permet de réaliser que la scène ne se passe pas dans le présent où il ne quitterait jamais cet objet si précieux.
Les effets semblables mais différents du Flashback
Les souvenirs
Si certains considèrent un souvenir comme un flashback, une différence persiste en réalité. Le souvenir est issu d’une personne, un acte de remémoration généralement volontaire, que la personne a vécu. Le flashback, lui, survient pour le spectateur uniquement et non pas forcément dans l’esprit du personnage. De fait, il est souvent plus long qu’un simple souvenir puisqu’il n’est pas limité par les pensées d’un personnage.
Par exemple, Liam Neeson dans Le territoire des loups joue un homme dont le passé semble avoir connu quelques tragédies. Il doit survivre, avec d’autres, en Alaska alors que leur avion s’est crashé. Ces conditions dures l’amènent à se réfugier dans son esprit où il repense à une femme, certainement son ancienne compagne. Ainsi, de brefs souvenirs interviennent où l’on voit seulement une femme dans un lit, avec lui, une lumière intense irradiant la scène. Ceci dans le but de nous faire comprendre qu’il regrette sa vie d’avant et que ces souvenirs sont tout ce qui lui reste.
Les voyages temporels
Evidemment, on ne peut pas non plus parler de flashback quand un personnage parvient à remonter dans le temps. On joue encore sur la temporalité mais cela fait partie de l’histoire et ne se déroule donc pas antérieurement à un point de celle-ci.
Quoi de mieux pour l’illustrer que Retour vers le futur, cette trilogie qui nous conduit tantôt en 1955 (leur passé), les années 80 (leur présent) et en 2015 (leur futur). On y suit toujours Marty McFly qui voyage d’une époque à une autre, ses aventures temporelles étant au centre du film.
Les préquelles ou prequels
Une fois encore, bien que l’on ait vu qu’un flashback peut servir à raconter une histoire, une préquelle est un récit à part entière. Elle se déroule simplement avant des événements que l’on connait déjà et peut y être liée. Elle sert à nous donner plus d’informations et un nouveau point de vue sur cette histoire dont on a déjà connaissance et qui se déroulera à la suite de celle-ci.
Par exemple, Star Wars est connu pour être une saga dont les épisodes sont sortis de manière antéchronologique à l’histoire. On commence par suivre Luke Skywalker dans les trois premiers opus, puis son père dans sa jeunesse, Anakin Skywalker, dans les trois suivants. Ainsi, on ne parle pas de flashback pour ces derniers films mais de prequélles qui servent à ajouter un contexte et d’autres aventures, après coup.
Les flashforward
Au contraire, le flashforward est une action se déroulant après les événements en cours et dont on prend connaissance en avance. Beaucoup moins courant, il existe pourtant et peut servir à attiser la curiosité du spectateur en ne lui dévoilant qu’une partie de la suite de manière justifiée et subtile.
La vidéo ci-dessous est un exemple fort du cinéma. Cette scène du fabuleux V pour Vendetta mélange flashback «I felt like i could see everything that had happen… », scènes du présent, et enfin flashforward «…and everything that was going to happen. ». On ne parle pas de vision ici car l’inspecteur n’est pas sûr de lui, n’a même pas vraiment en tête les images qui nous sont dévoilées et qui s’enchaînent rapidement pour clarifier ses propos. Elles servent aussi à nous préparer à la fin de l’histoire.
Les visions
Une vision est au flashforward ce qu’un souvenir est au flashback. Forcément issu d’un personnage, cet effet le projette courtement dans le futur et lui indique ce qu’il va s’y passer. Il est moins présent que le souvenir car intervient comme un don. On le retrouve donc plutôt dans des histoires de science-fiction et de surnaturel qui vont se construire autour de ces événements perçus et de la manière dont le personnage va essayer de les contourner.
Dead Zone raconte la vie de Johnny Smith qui, après un accident qui lui laisse des séquelles neurologiques, est doté de visions. Ainsi, par un simple contact physique, il parvient à savoir ce qu’il va se passer pour les personnes qui l’entourent et ce qu’il s’est passé pour eux. Ce nouveau pouvoir lui permet d’essayer de changer le cours des choses pour les tourner à son avantage.
Aller plus loin
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