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La note d’intention : conseils et exemples pour présenter votre film

Petite guide pratique sur la note d’intention, ce document déterminant pour tous scénaristes.

Bien souvent, les scénarios envoyés aux producteurs ne sont pas lus. C’est bien dommage, mais c’est malheureusement la vérité. En tout cas ce n’est pas ce qui est lu en premier. Pour qu’un producteur prenne le temps de lire votre scénario parmi les multiples qu’il reçoit, il faut le convaincre avec votre synopsis, mais surtout avec votre note d’intention.

C’est quoi une note d’intention ?

La note d’intention est ce document indispensable et primordial, souvent perçu comme une corvée par les scénaristes en herbe – à tort évidemment – qui doit donner envie et vous ouvrir les portes. Il va s’agir d’un sésame. Il est donc très important de le soigner le plus possible. Mais plus concrètement, ça correspond à quoi la note d’intention ?

Il s’agit d’un court écrit – pas moins d’une page, pas plus de deux en général – dans lequel vous allez vendre votre film. Pourquoi vous avez envie de le faire, comment vous comptez le rendre visuellement, les personnages, les thèmes abordés, poser les bases de son univers si besoin est…  Tout cela doit se trouver dans la note d’intention. Il s’agit aussi de défendre l’intérêt de son histoire ainsi que son originalité et l’impact qu’elle peut avoir.

Ecrire une note d’intention n’est pas un exercice facile. Cela demande à la fois de savoir prendre un certain recul par rapport à ce que l’on a pu écrire pour l’expliquer au mieux, mais dans le même temps il s’agit d’un document très personnel, dans lequel l’auteur se dévoile. C’est la partie la plus personnelle d’un projet – ce qui explique en partie la difficulté qu’ont certains pour se plier à l’exercice. Bien plus que pour écrire un scénario de court métrage même !

Ainsi, il n’y a pas de plan typique à respecter à la lettre, mais nous allons tout de monde vous donner quelques conseils de rédaction pour vous en sortir au mieux, ainsi que ce qu’il faut absolument éviter. Sachez avant tout qu’il est primordial de rester sincère et simple dans une note d’intention.

Comment rédiger une note d’intention ?

Bien entendu, il ne s’agit là que de pistes à suivre, de ce qui doit se trouver dans une note d’intention. Retenez qu’avant d’être descriptible, elle doit être explicative et répondre à « pourquoi », puis ensuite à « comment ». Instaurer votre personnalité est encore ce qu’il y a de mieux pour réussir votre note.

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Les erreurs à éviter

Pour qu’une note d’intention soit réussie, il faut aussi prendre en compte certains points très importants qui sont absolument à bannir, sous peine d’être disqualifié d’entrée de jeu. Le plus important d’entre eux c’est de savoir se montrer humble. Cela se décline de plusieurs façons. Ainsi, il est inutile de dénigrer le travail des autres pour glorifier le sien. Dans le même esprit, se comparer à de grands scénaristes comme Aaron Sorkin ou Spielberg est juste détestable pour tout le monde.

Il ne faut pas non plus se montrer trop obtus sur son scénario. Faire de la psychanalyse de comptoir ou de la philosophie de bas étage est également proprement inutile, vous n’êtes pas là pour ça. Vous n’êtes pas non plus là pour raconter votre vie, mais pour parler du scénario.

Stop avec la théorie, passons maintenant à des exemples concrets, avec des notes d’intention de court-métrage puis des notes d’intention de long-métrage.

Exemple de note d’intention de court-métrage

NOTE D’INTENTION

LES HEURES BLANCHES

INTENTIONS SCÉNARISTIQUES

« Je sors du supermarché. Le vent froid de l’hiver québécois gèle mon visage. Je passe rapidement près d’une voiture stationnée dans le parking du centre commercial. Assise dans la voiture, une femme attend. Le regard perdu, la tristesse et la mélancolie sont visibles sur son visage. Elle attire mon attention. Elle ne bouge pas, immobile, emprisonnée dans sa voiture. Elle se parle à elle-même. Le moteur tourne, la musique classique est audible de l’extérieur du véhicule. Elle attend. Elle attend quelque chose. L’image de cette femme dans sa voiture me revient en tête. Inlassablement. Plus tard, un jour froid de février, un jeune adolescent disparaît sous la neige près de chez moi. Il est introuvable. Les recherches pour le retrouver durent jusqu’au printemps. La population ne parle que de cela. L’image de cette femme qui attend dans sa voiture apparaît de nouveau.

Étrangement, cette fois, je sais ce qu’elle attend. Elle veut retrouver son fils disparu. Ces deux souvenirs que j’entremêle sont mon point de départ. Doucement, je me laisse apprivoiser par cette femme. Son destin et ses objectifs se dessinent. Le personnage de Carole naît, puis vient celui de Diane. S’affrontent alors des contrastes d’émotions entre la mère qui a perdu son fils et celle qui le cherche. Cette force incroyable, presque animale que déploient les mères quand leur enfant est en danger me fascine. Elles sont aussi capables de s’enfermer très longtemps dans leur deuil et de rester figées dans le souvenir de leur enfant disparu. Comme si elles n’avaient pas le droit à leur propre existence, qu’elles devaient mourir elles aussi. J’aime les films qui s’intéressent au sort de la femme endeuillée.

Je pense à L’Échange d’Eastwood mais aussi dans leur deuil, mais que la douleur rapproche. Peu importe que leurs fils soient dans deux camps opposés. Dans Les Heures Blanches il existe également un jeu de miroir. Carole inflige le pire à Diane, une autre mère. Pour se venger ou bien ne pas être seule à souffrir ? Et sombrer à deux?… La voix de Carole qui raconte les recherches de Patrick, c’est aussi la voix de Diane, c’est la voix de toutes les mères. Je voulais à la fin qu’on ait la sensation que Diane et Carole ne sont qu’une seule et même personne. Deux femmes que l’on découvre en une journée, mais à deux moments différents de leurs vies. Le temps des recherches et le temps du deuil. L’acte meurtrier de Carole est ambivalent. Peut-être a-telle besoin de tuer Patrick pour se sentir vivre à nouveau. La colère et la soif de vengeance sont des pulsions de vie très puissantes. Mais une fois l’assassinat commis, Carole est liée à nouveau à la mort.

Les Heures Blanches c’est le temps qui s’arrête. Ce sont ces heures interminables d’attentes quand un proche disparaît. Ces heures atroces où le temps semble suspendu, distendu et où la notion même de temporalité n’existe plus. Les Heures Blanches c’est aussi la vie qui se fige dans l’univers glacé québécois. La Nature joue un rôle essentiel dans cette histoire. C’est un personnage hostile qui met sans cesse l’homme à rude épreuve. Une Nature qui cache des morts sous la neige. Cette même neige épaisse qui rend les accès impraticables et qui confine les gens chez eux. J’aime profondément la Nature et les grands espaces dans lesquels j’ai grandi, mais je suis convaincu qu’ils sont porteurs d’une grande violence. La Nature libère les instincts primaires de l’homme et le renvoie à sa solitude, à sa dimension réelle. On oublie souvent la puissance de cette nature et la petitesse de l’homme face à elle…

Je pense aux films The Pledge et Into the wild de Sean Penn qui parlent justement de cette complexité. Au cinéma j’aime quand les voix-off et les flashbacks deviennent un dispositif narratif. J’ai en tête Boulevard du Crépuscule et Assurance sur la Mort, deux films de Wilder, entièrement construits sur des flashbacks, des voix-off et qui jouent avec la temporalité. C’est d’abord cette forme que j’avais envie d’aborder dans mon scénario, beaucoup plus que l’histoire qu’il raconte, aussi prenante est-elle. J’exploite une voix narrative que l’on sait directement attachée à l’histoire mais qui est d’abord inconnue du spectateur ; une voix qui donne une certaine chaleur dans cet univers froid. Puis lentement, on devient de plus en plus intime avec elle. Cette voix nous entraîne dans son quotidien et dessine de nouvelles images complètement différentes de celles qui sont présentées sur l’écran. L’image et le son se détachent peu à peu et évoluent dans deux temporalités différentes : l’image nous garde dans le moment présent et public alors que le son de cette voix nous amène dans une intimité profonde, dans la tête et dans les secrets du personnage. Elle raconte une histoire passée, tout en se superposant à un présent qui lui fait écho.

Assise dans son taxi, Carole se remémore les derniers moments avec son fils puis sa mort qu’elle n’a jamais acceptée, jamais comprise, tout en prenant une grande part de responsabilité. Nous suivons la progression émotionnelle de Carole, le chemin psychologique qui l’amène à agir comme elle le fait ; qui l’amène à tuer Patrick. En présentant les scènes du meurtre de Patrick qui se situent la veille, mon objectif n’est pas de faire un pied de nez au spectateur, quand on découvre que c’est Carole qui raconte l’histoire et non pas Diane, mais simplement de jouer avec les points de vue. J’avais envie de glisser d’une perspective à l’autre au fur et à mesure que l’histoire avance. Ainsi, Carole passe de simple spectatrice, à victime puis bourreau et Diane est tantôt l’héroïne du moment, la victime et le bourreau. Les rôles et la perception des personnages changent. Il devient de plus en plus dur de les juger. Glissement du point de vue, changement de perspective morale chez le spectateur.

Les Heures Blanches est une histoire qui ne trouve son sens que dans ce Québec froid où j’ai grandi ; dans ces petites villes à faible densité où la nature est reine. Transposer le scénario ailleurs aurait dénaturé l’identité même du projet et nous nous sommes rapidement mis d’accord sur l’importance de situer l’histoire là- bas. Mais cette « pâte » nord-américaine ne s’inscrit pas que dans le décor, elle se ressent aussi dans la caractérisation des personnages et dans les dialogues. Un phrasé court, haché, une syntaxe typiquement Québécoise. La question s’est posée un temps de traduire ou de « franciser » les dialogues de la voix-off, mais là encore ça aurait été au détriment de l’authenticité.

Il n’a jamais été question pour moi de réaliser Les Heures Blanches. D’abord parce que je me sens avant tout scénariste et qu’au Canada c’est un métier tout à fait dissocié de la réalisation. »

Sur la page suivante, retrouvez des exemples de notes d’intention pour des longs métrages.

Exemples de note d’intention de long métrage

La vie qui désarme

« Ce film a pour intention de mettre en scène la capacité de créer de l’être humain. « Rien ne se perd, tout se transforme «, peut-on lire au début du film, ou plus loin la phrase-clé : « l’union des différences fait la force ». Tel est le message majeur du film, à travers la mise en scène d’un état créatif en ébullition qui réunit tous ces acteurs. Au sein des différences et des conflits, l’expérience artistique, dans sa mixité, rend compte et fait sonner la possibilité présente d’être ensemble. Ce film est traversé de clins d’œil au ciné- ma américain, notamment à West Side Story par un remake de la célèbre scène d’affrontement choré- graphiée entre deux clans. Une façon de faire écho à certaines scènes mythiques, universelles et atemporelles, du cinéma classique.

La présence du styliste qui transforme le jean’s en de nouveaux vêtements et habille tous les acteurs, est l’un des fils conducteurs de ce court métrage. D’un même tissu sans frontières, toutes les singularités apparaissent. Le vêtement permet de dire quelque chose de cette créativité permanente. L’habit, le style, c’est l’art de se donner, dans la vie quotidienne, d’autres comportements et une nouvelle saveur. Les films américains ont fait du jean’s un symbole de rébellion existentielle et sociale ; aujourd’hui il est devenu le vêtement de tous. Ici, il réunit l’art et la vie et fait jaillir les couleurs spécifiques de chacun.

Le film est monté comme un long clip, une grande odyssée musicale où se rejoignent différents styles a priori très opposés. La vie qui désarme fait se mêler et se chevaucher les univers artistiques de chacun (danseurs, dessinateurs, plasticiens, etc.). D’où ces différentes textures sonores (rock, hip hop, tribal, chants traditionnels), tissées les unes aux autres et où peut résonner l’union des diffé- rences. La création sonore de La vie qui désarme est une seule plage musicale en écho aux aventures rock des années 70, où s’insèrent aussi d’autres styles selon la diversité des artistes présents et des clameurs de la foule, représentant les voix de toutes les populations. La musique, vecteur de rencontre de tous les peuples, réunit les chants du monde et redonne ici une dimension de la multiplicité des formes en mouvement. »

Keeper

« Maxime, à peine sorti de l’enfance, tente par tous les moyens de convaincre Mélanie de ne pas abandonner leur enfant. Au-delà d’une histoire qui m’anime, j’ai ressenti ce besoin de filmer l’adolescence, dans sa beauté, sa complexité. J’ai voulu montrer toute la fragilité de ces adolescents, leur légèreté, leur insouciance, et leur amour par-dessus tout.

C’est par le prisme de Maxime que nous suivons cette histoire touchante. C’est la trajectoire de la paternité que j’ai choisi ici de filmer, car c’est celle qui intrinsèquement, en tant que père de deux enfants, me parle le plus.

Au travers ces jeunes adolescents, je cherche à partager une émotion, à faire ressentir les choses comme elles existent sans pour autant les expliquer. Loin de moi donc l’idée de faire un film à revendication ou militant, juste cette envie de filmer des personnages, de les suivre, de s’y attacher…

Je ne recherche pas l’originalité mais la justesse. La justesse d’un point de vue sur cette trajectoire masculine et adolescente. Mais aussi la justesse de jeu dans une forme cinématographique réaliste. Je ne donne pas le scénario à mes comédiens, nous partons ensemble à la recherche d’une authenticité émotionnelle. Je ne dirige pas mes comédiens, je les accompagne. J’essaie de ne pas construire des personnages à l’intérieur d’un cadre mais les révéler bien au-delà. Révéler une histoire émanant de la vie. Cette honnêteté de la vie si rare à capturer.

« Keeper », en Belgique et dans bien d’autres pays anglophone, signifie « gardien de but ». Je trouvais intéressant de confronter Maxime à ce poste assez ingrat qui en termes d’impuissance fait ici écho au non-pouvoir de Maxime face à la grossesse de Mélanie. « A keeper can’t win a game. He can only save it. » Partant d’une situation d’impuissance, « Keeper » est, au final, un film sur l’envie. »

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