Edgar Wright : De Shaun of the Dead à Running Man, carrière d’un réalisateur aux multiples facettes

Réalisateur anglais avec son style particulier et son humour bien à lui, Edgar Wright a su prouver sa valeur et devenir culte aux yeux du public. A l’occasion de la sortie de son dernier film Running Man, on vous propose une plongée dans son travail, explorant sa filmographie et analysant les éléments qui forgent son style unique.

Une filmographie à son image

Edgar Wright réalise son premier long-métrage, «A Fistful of Fingers», en 1994 alors âgé de 20 ans. Le résultat ne le convainc pas réellement, mais il lui permet de se faire repérer et de réaliser quelques épisodes de séries. C’est en 1998 qu’il fait une rencontre qui changera sa vie : Simon Pegg. Ensemble, ils créent la série «Spaced» (Les Allumés en VF), qui obtient rapidement le statut de série culte au Royaume Uni.

Shaun of the Dead (2004)

C’est LE film qui révèle Edgar Wright au grand public. Co-écrit avec Simon Pegg, le film réunit l’équipe de «Spaced» dans cette comédie horrifique. L’histoire : Shaun (Simon Pegg) vit dans une banlieue londonienne où les jours se suivent et se ressemblent. Mais ce quotidien va être bouleversé quand une invasion de zombies va commencer…

Ce film est un très bon moyen de comprendre Edgar Wright : tout y est ! L’humour typiquement anglais et les divers gags visuels en première position. Le réalisateur nous exprime ici son talent pour la comédie, que se soit dans les répliques parfaitement écrites ou dans la mise en scène soignée, où répétitions et extrapolations n’ont d’égales que le jeu impeccable des comédiens. De nombreuses références à la pop culture sont parsemées dans le film, un indispensable dans la filmographie du réalisateur tant sa cinéphilie est a participé à sa renommée. Les thèmes chers au cœur de Wright sont également présents : l’affrontement de deux mondes opposés et la volonté de s’affranchir de l’uniformisation. Le montage témoigne également du style de l’auteur, avec ses séquences très dynamiques aux plans très courts et en mouvement, qui apporte du dynamisme à des moments moins captivants à filmer tout en offrant des transitions uniques.

Le film est un succès mondial tout à fait inattendu. Edgar Wright devient un réalisateur remarqué, et sa carrière décolle. Est très vite mis en chantier son prochain film, toujours avec la même équipe.

Hot Fuzz (2007)

Toujours co-écrit par Simon Pegg, le film bénéficie néanmoins d’un budget bien supérieur à son prédécesseur. On suit ici l’histoire de Nicholas Angel (Simon Pegg), un excellent policier londonien envoyé dans la petite ville de Sandford. Contraint de régler de simples contraventions avec son collègue Danny Butterman (Nick Frost), ils vont néanmoins être entraînés dans une affaire de meurtres suspects…

Le film profite au maximum de son budget plus confortable : décors, cascades, on sent que l’art du réalisateur est plus libre de s’exprimer. Il y détourne joyeusement les codes du film d’action en le tournant en dérision, ainsi que les genres du buddy movie et du slasher. La recette reste la même que précédemment : Humour, références, thèmes et rythme confirment le style marqué de Wright.

Hot Fuzz est également un succès retentissant. Il confirme la place de réalisateur de renom d’Edgar Wright, et lui ouvre les portes d’Hollywood.

Scott Pilgrim vs the World (2010)

Premier film international du réalisateur, «Scott Pilgrim vs the World» est adapté de la série de comics du même nom. Scott Pilgrim (Michael Cera) est un jeune adulte bassiste dans son groupe de rock. Pour pouvoir sortir avec Ramona (Mary Elizabeth Winstead), il est contraint d’affronter 7 ex-petits copains maléfiques de la jeune femme dans des combats plus dantesques les uns que les autres.

Chose de plus en plus rare à Hollywood, Edgar Wright bénéficie d’une liberté artistique totale. Son style arrive donc à son paroxysme : Le film est drôle, touchant, dynamique et témoigne d’une vraie passion pour le jeu vidéo. En effet, la structure du récit est directement inspirée de ce médium, le protagoniste affrontant divers boss pour passer au niveau suivant et mériter la princesse à la fin. Les combats sont très bien filmés et les effets spéciaux inspirés et efficaces les rendent particulièrement marquants. On apprécie découvrir les exs maléfiques et de quelle façon ingénieuse Scott va s’en débarrasser, toujours avec l’humour absurde typique de Wright.

Le film est un succès critique malgré un petit bide au box office, et a très vite été propulsé au rang de film culte, l’un des plus connus et renommés du réalisateur.

Le Dernier Pub avant la fin du monde (2013)

Totalement absent du film précédent, Simon Pegg et Nick Frost renouent avec Edgar Wright dans ce troisième et dernier volet de ce qu’on appelle la «Trilogie Cornetto» avec «Shaun of the Dead» et «Hot Fuzz». En effet, bien que ces 3 films aient des histoires et des personnages différents, ils sont liés par plusieurs éléments : Edgar Wright, la présence au casting de Simon Pegg, Nick Frost et Bill Nighy, et l’apparition d’un cornet de glace de la marque Cornetto d’un parfum différent dans chacun des trois films. Cette trilogie est souvent considérée comme l’une des œuvres majeures du cinéaste.

Gary King (Simon Pegg) se souvient d’une soirée de son adolescence où avec 4 amis ils ont tenté de boire une pinte de bière dans chacun des 12 pubs de leur ville. N’ayant pas pu achever ce barathon, il est bien décidé à retenter l’expérience avec ses anciens amis, alors que de mystérieux événements mettent en péril l’avenir de l’humanité.

Comme tous les films de cette trilogie, on retrouve tous les éléments propres au style de Wright. Humour, rythme, vous connaissez la chanson. Il s’agit néanmoins de la dernière vraie comédie du réalisateur, celui-ci se concentrant sur d’autres genres pour ses prochaines productions.

Baby Driver (2017)

Ici, Edgar Wright explore le cinéma d’action un peu plus sérieux. C’est un projet que le cinéaste mûrissait depuis plus de 20 ans, puisqu’il l’avait imaginé dans sa jeunesse et que ses diverses expériences lui ont permis de façonner ses ambitions pour ce film.

Miles, dit «Baby» (Ansel Elgort) est chauffeur pour des braqueurs de banque. Féru de musique, son truc pour être le meilleur est de rouler au rythme de sa playlist. Lorsqu’il rencontre la fille de ses rêves, il tente de stopper ses activités criminelles. Mais il est forcé de bosser pour le grand patron du crime, et le braquage tourne mal…

Le film est un immense succès. Les critiques saluent notamment l’évolution de la moralité du protagoniste et la symbolique que représente les couleurs au cours du film. Il gagne 3 Oscars, 2 BAFTA, 2 Critics Choice Award et 1 Golden Globe, ce qui termine d’asseoir la notoriété d’Edgar Wright. Il est à l’heure actuelle son film le plus rentable.

The Sparks Brothers (2021)

Ce film est un petit OVNI dans la filmographie du cinéaste. En effet, c’est un documentaire consacré à Ron et Russell Mael, 2 frères fondateurs du groupe de rock Sparks. Loin de la fiction, le réalisateur garde quand même ses codes avec son humour et sa mise en scène bien à lui. On peut citer par exemple le moment où, grâce à des effets spéciaux réussis, les deux frères enlèvent leurs visages pour révéler qu’ils avaient échangé leurs rôles.

Si cette histoire a captivé Edgar Wright au point qu’il veuille la raconter, c’est parce qu’elle traite de son sujet de prédilection : la rencontre entre deux mondes différents qui fusionnent. Ici, Ron est le chanteur traditionnel beau gosse, là où son frère Russell est plus «étrange», écrivant ses chansons inspirées par les films de son enfance. Ensemble, ils sont les deux faces d’une seule et même pièce, et c’est la fusion de leurs arts qui donne le groupe Sparks.

Last Night in Soho (2021)

Ici, Edgar Wright explore le genre du film d’horreur. On y suit Ellie, jeune créatrice de mode, qui est mystérieusement transportée dans les années 60 où elle se dédouble en Sandie, une chanteuse novice, dont elle va découvrir les sombres secrets.

Le film reçoit de plutôt bonnes critiques, mais reste l’un des films les moins bien notés du réalisateur. Il est à noter que sa post-production à été impactée par la crise du COVID 19, et que sa sortie en avait été repoussée. Vous pouvez trouver une analyse complète du film ici.

Après ce petit tour d’horizon de la filmographie d’Edgar Wright, vous avez compris quelles étaient ses marques de fabrique. Mais explorons les plus en détails…

La comédie selon Edgar Wright

L’humour est l’un des essentiels du cinéma d’Edgar Wright. Présent dans tous ses films (à plus ou moins grande dose), il a un style typique d’humour anglais.

La comédie et les gags visuels sont légions. Les personnages sont souvent en décalage avec leur environnement, comme quand Shaun ne remarque pas l’invasion zombie en effectuant sa routine matinale (Shaun of the Dead). Il joue également avec les clichés du genre et les attentes du spectateur. Par exemple, un personnage saute par-dessus une clôture à la manière des héros d’action, mais la clôture se brise et/ou le personnage tombe. Ou alors le personnage fait des cascades beaucoup trop complexes pour être crédible, comme Nicholas Angel qui saute par dessus des clôtures en faisant divers saltos et figures acrobatiques (Hot Fuzz), ou encore Scott Pilgrim qui saute par la fenêtre de son appartement pour éviter une situation gênante. Wright joue ainsi avec les codes et crée un décalage avec les attentes du public, menant à des situations exagérées et absurdes.

Cet humour passe aussi par la répétition. Beaucoup de plans sont des échos à d’autres, comme l’apparition de Pete dans le miroir de la salle de bain par exemple (Shaun of the Dead), ou dans le même film la routine matinale de Shaun. Les plans et actions sont répétés à l’identique à plusieurs moments du film, mais avec des éléments changeants : Pete est devenu un zombie, la rue est envahie de zombies,… mais la répétition vient aussi des répliques de certains personnages : le commandant de Police dans Hot Fuzz qui répète les mêmes phrases à Nicholas à chaque départ en mission par exemple. Ce genre d’humour est parfaitement maîtrisé par Edgar Wright, qui en fait sa marque de fabrique.

Le talent d’écriture du cinéaste n’est plus un secret pour personne. En effet, les dialogues bénéficient toujours d’un soin tout particulier, et le réalisateur excelle dans l’écriture de situations absurdes et loufoques. Son talent de direction d’acteur n’est plus à prouver non plus : chaque répliques sont joués à la perfection, créant des dialogues très dynamiques et à la puissance comique indéniable.

Deux mondes qui s’affrontent

Une notion particulièrement récurrente dans les films d’Edgar Wright est, comme nous l’avons évoqué, l’affrontement de deux mondes. En effet, on retrouve souvent cette idée de mettre un élément décalé dans un univers très proche du nôtre, presque banal. On peut citer la banlieue londonienne pavillonnaire contre une invasion de zombie (Shaun of the Dead), la police anglaise de campagne face à une immense conspiration (Hot Fuzz), les 2 frères aux tempérament très différents (The Sparks Brothers), les exs maléfiques contre un jeune adulte un peu looser (Scott Pilgrim),… Cette opposition est souvent annoncée dès le premier plan du film : wright aime débuter en jouant avec le premier et l’arrière plan, les mettre en opposition, comme quand la roue de voiture vient cacher la banque dans Baby Driver, ou l’ex petite amie de Shaun qui vient découvrir son regard vide dans Shaun of the Dead. Un élément étranger vient cacher ou découvrir un élément plus ancré dans le décor/la réalité.

Ces entre deux mondes s’opposent toujours dans le but de briser la standardisation, l’uniformisation, de créer une individualité dans un monde codifié. En effet, les protagonistes sont toujours esclaves d’une certaine routine, d’un quotidien ennuyeux et où leur personnalité ne peut s’exprimer. Nicholas Angel qui passe de policier renommé à mettre des contraventions perdu en campagne (Hot Fuzz), Ellie qui est entourée de camarades stéréotypés et qui répètent les mêmes phrases l’un l’autre (Last Night in Soho), Baby qui amène toujours les 4 mêmes cafés à la fin de chaque braquages (Baby Driver),… Mais à la fin, à la suite de l’affrontement des deux mondes, tous deviennent des individus à part entière et peuvent être la meilleure version d’eux même. Shaun a enfin confiance en lui et a reconquis sa petite amie (Shaun of the Dead), Scott et Ramona peuvent sortir ensemble (Scott Pilgrim), les deux frères créent leur groupe qui cartonne (The Sparks Brothers),…

Ces 2 mondes finissent toujours d’ailleurs par fusionner. Les zombies finissent par être acceptés dans le monde comme des citoyens classiques (Shaun of the Dead), Gary King part vivre des aventures avec des clones (Le Dernier Pub avant la fin du monde), Sandie fait un défilé de mode pour Ellie (Last Night in Soho),… Cela entraîne un dernier ressort comique pour clôturer le film, et témoigne d’une acceptation de l’autre et de l’absurde dans toutes ces situations.

Les références culturelles

Un ressort beaucoup utilisé par Edgar Wright est le lot de références à la culture en tout genre. Quand il détourne les codes du cinéma de genre, que Shaun et Ed imaginent les clients du bar en stéréotypes de films (Shaun of the Dead), Scott qui raconte sa soirée comme une sitcom (Scott Pilgrim), ou encore Danny qui parle du film «Point Break» et qui voit ce qu’il dit se réaliser, ces références permettent de créer de l’humour tout en ancrant le film dans le réel. Beaucoup d’éléments cités dans le film existent dans notre monde. Film, série, même marque avec les Cornetto, le spectateur se rattache à ses éléments pour adhérer à l’univers du film.

Edgar Wright est un indéniable cinéphile, en témoignent toutes les références présentes dans ces films. Mais on sent toujours une certaine nostalgie et un regard vers le passé. En effet, ses inspirations deviennent de plus en plus vieillissantes à mesure que lui-même vieillit, et il en est conscient. Le passé et le rapport qu’on entretien avec lui à toujours une part importante dans ses films : Gary King est coincé dans son adolescence (Le Dernier Pub avant la fin du monde), Ellie s’inspire d’un swinging london révolu (Last Night in Soho), Baby sort de prison dans un fantasme de route 66 n noir et blanc (Baby Driver), l’imagerie empruntée aux jeux vidéos 8bit dans Scott Pilgrim,… Edgar Wright est un peu comme Quentin Tarantino à toujours garder le passé en admiration et l’utiliser dans ses œuvres.

La mise en scène

Enfin, Edgar Wright s’illustre bien sûr par son talent de mise en scène, et de sa maîtrise des arts du son et du montage. Ses films sont toujours très dynamiques et parfaitement rythmés, les plans se répondant comme un véritable jeu de ping-pong. Il travaille également ses transitions pour les rendre fluides, on passe d’une séquence à une autre avec une facilité déconcertante. La mise en scène du réalisateur emprunte parfois à l’imagerie du clip, avec des séquences où l’on retrouve plans serrés et/ou en mouvement rapide, des jumps cuts, des plans très courts,… Ces séquences peuvent avoir plusieurs buts : montrer le quotidien répétitif et ennuyant sans pour autant ennuyer le spectateur, créer des ellipses dans un long voyage tout en montrant la profonde tristesse et l’ennui du personnage (Hot Fuzz), ou encore fait office de transition entre deux séquences se passant dans des lieux différents (on peut citer les toilettes et le lavabo dans Shaun of the Dead par exemple).

La musique a toujours une place de choix dans les films du réalisateur. En effet, tous ses films possèdent des séquences musicales, et il n’est pas rare de voir le montage se calquer directement dessus. Les plans sont souvent pensés pour la sublimer, et le choix des musiques populaires ancre encore plus le récit dans une sorte de réalité. Et quand la musique est absente, le sound design prend le relais. Presque aucun mouvement n’est effectué dans le silence, tout a un son qui lui est attribué. On sent l’amour de Wright pour ce domaine dans chacune de ses œuvres tant le son y est important et léché.

Edgar Wright a su se créer une place très importante dans le paysage cinématographique d’aujourd’hui. Une bonne moitié de ses films sont devenus cultes, la faute à son talent unique pour lier humour, pop culture, son et montage dans un style maîtrisé et identifiable. Il faut le voir pour y croire !

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Nathan L

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