Ari Aster : films, carrière et leçons de réalisation

Joaquin phoenix dans Beau is afraid

C’est l’un des réalisateurs les plus côtés du moment, Ari Aster fait partie du cercle de cinéastes de « l’Elevated Horror », visant à proposer un regard ambitieux et complexe sur l’humain, la société, tout en s’inscrivant dans le genre horrifique. Son style unique et audacieux a été remarqué dans les films d’horreur Heredité et Midsommar, des oeuvres troublantes et captivantes. Dans cet article, nous allons revenir sur le travail de metteur en scène d’Ari Aster. Dans la première partie nous allons faire le point sur les leçons que l’on peut tirer de ses films, les aspects dont l’on peut s’inspirer. Dans la seconde, nous allons revenir sur la première partie de sa carrière, marquée par quelque courts métrages aussi malsains, dérangeants… et créatifs que ses longs métrages.

Leçons de cinéma inspirées des films d’Ari Aster

  • Ari Aster est connu pour ses films qui abordent des sujets difficiles et inconfortables. Il n’essaie pas d’éviter ces sujets. En tant que réalisateur, prenez l’initiative d’explorer des thèmes inconfortables et de surprendre vos spectateurs.
  • Ari Aster est réputé pour l’attention qu’il porte à chaque élément mineur de ses films, des accessoires sélectionnés avec précision aux teintes de chaque scène. Prendre note de chaque aspect de votre film, aussi insignifiant soit-il, peut augmenter l’impact visuel et narratif global.
  • Les films d’Aster sont reconnus pour leur atmosphère et leur caractère particulier. Envisagez l’éclairage, la conception sonore et la conception des décors comme un moyen de créer un sentiment unique qui renforce le résultat émotionnel de votre récit.
  • Favoriser la collaboration avec les acteurs : Aster pense que leurs commentaires font partie intégrante de la création de leurs personnages. En créant une atmosphère de collaboration sur le plateau, le réalisateur peut motiver les acteurs à apporter leur propre imagination et interprétation à leurs rôles.
  • Les films d’Aster se situent souvent entre l’horreur, le drame et les thrillers psychologiques. N’ayez pas peur de repousser les limites des coutumes de genre et de créer des hybrides de genre distincts qui remettent en question les prédictions des spectateurs.
  • Intégrer le symbolisme et la métaphore : Aster est connu pour ajouter de la complexité à ses films en utilisant des symboles et des métaphores. Si vous cherchez à transmettre des idées et des messages plus profonds, envisagez d’expérimenter le symbolisme visuel et narratif.
  • Variez la vitesse de votre récit : Les films d’Aster sont célèbres pour leur suspense soigneusement élaboré et leur développement lent. Jouez avec le rythme de l’histoire et faites preuve de détermination lorsqu’il s’agit de créer de la tension et de la relâcher à des moments cruciaux afin de rendre l’histoire captivante.
  • Les films d’Aster sont souvent progressistes et audacieux, et il prend des risques dans ses récits qui dépassent les limites du cinéma traditionnel. Faites preuve d’audace, ignorez les conventions et bousculez les normes.
  • Les films d’Aster utilisent le design sonore pour amplifier l’effet émotionnel des scènes clés. Travaillez dans le détail l’utilisation de la musique, mais aussi des silences et des bruits de fond, pour créer une expérience immersive.
  • Les films d’Aster ont souvent des thèmes surnaturels, mais il met l’accent sur le développement des personnages et l’approfondissement de leurs composantes psychologiques. Prenez le temps de créer des personnages multidimensionnels et complexes auxquels les gens peuvent s’identifier sur le plan émotionnel.

J’espère que ces conseils vous serviront, mais le meilleur moyen de s’inspirer des méthodes de réalisation d’Ari Aster, c’est encore d’explorer son approche cinématographique en regardant ces films. Je vous encourage donc vivement à voir ou revoir Hérédité, Midsommar ou encore Beau is afraid pour capter les spécificités du travail d’Ari Aster sur ses films pour créer vos propres courts ou longs métrages uniques et audacieux. Et en complément de ses longs métrages, je vous propose de vous pencher plus en détail sur ses différents courts métrages.

Aller plus loin : Une analyse complète des thèmes de Midsommar

Courts métrages réalisés par Ari Aster

Jetons donc un coup d’œil sur les courts métrages qui ont façonné son style de cinéaste d’horreur. Ses longs métrages ont tendance à être ouvertement effrayants, tandis que ses courts métrages, bien qu’abordant des thèmes et des concepts similaires, sont plus susceptibles de déstabiliser que de terrifier. Au conservatoire de l’American Film Institute, Ari Aster a cultivé son art et noué des relations avec un certain nombre de personnes avec lesquelles il continue de collaborer, comme le directeur de la photographie Pawel Pogorzelski. Avant la sortie de Hereditary en 2018, Aster a réalisé six courts métrages entre 2011 et 2016. Ses longs et courts métrages sont ancrés dans les horreurs psychologiques et émotionnelles les plus déconcertantes, utilisant une narration qui puise dans le malaise et force le spectateur à se confronter à des questions qu’il préférerait éviter. Tous les courts métrages inconfortables d’Aster ont une narration atypique et bénéficient d’un sens de l’humour que que l’on retrouve par petites touches dans ses longs métrages.

Hermans Cure-All Tonic

Sortie : 2008 – Durée : 12 minutes

Le tout premier film d’Aster, sorti en 2008, se concentre autour d’une pharmacie apparemment ordinaire. Harold travaille au comptoir et doit faire face aux insultes verbales à la fois de son père, Herman , et de la cliente régulière, Mme Wexler. Mais tout change lorsque Harold découvre une méthode non conventionnelle pour créer le produit phare de la pharmacie. La simplicité narrative du film est complétée par les petits détails qu’Aster ajoute en tant que réalisateur. La qualité vidéo granuleuse et l’aspect délabré de la pharmacie ajoutent à l’ambiance vieille école.

The strange thing about the Johnsons

Sortie : 2011 – Durée : 29 minutes 

Le premier (et plus long) court métrage d’Ari Aster, The Strange Thing About the Johnsons, préfigure les thèmes qu’il a explorés dans Hérédity et Midsommar. Il s’agit d’une famille apparemment normale qui cache un secret traumatisant. Le film saisit le moment de révélation où le public réalise toute l’étendue de l’horreur à laquelle la famille est confrontée. SPOILERS ci-dessous !

L’inceste et la dynamique du pouvoir conduisent l’histoire vers un endroit sombre. Le contraste entre les images de dîners familiaux paisibles et les scènes de viol brutal crée une atmosphère de tension et de malaise. La confrontation entre le père et le fils est particulièrement glaçante. Les mouvements de caméra reflètent le manque de liberté de la famille.

The Strange Thing About The Johnsons examine la difficulté d’essayer de maintenir une façade de « normalité ». Tout soupçon de malaise se transforme en tension. Le film met l’accent sur le fait que les moments de silence peuvent être plus révélateurs que les disputes enflammées.

Munchausen

Sortie : 2013 – Durée : 16 minutes 

Ce film n’est pas exempt de tous défauts, mais je dois avouer que c’est un petit coup de coeur, que je montre régulièrement à mes étudiants. Dans Munchausen, Ari Aster, habitué aux films quand même assez bavards, abandonne tout dialogue pour un récit qui laisse parler ses images, ses expressions et sa musique. Ce court métrage aux allures de conte de fées suit l’histoire déchirante d’une mère qui a du mal à accepter le départ de son fils de l’université. L’absence de dialogue, la musique sombre, l’éclairage réconfortant et le carton de titre joyeusement brodé créent une atmosphère accueillante, alors qu’une histoire blessante et décousue se cache derrière. Le film commence avec un sentiment de joie et d’optimisme, présentant la beauté de la libération et du potentiel des jeunes qui débutent dans la vie, ce qui rend les événements ultérieurs d’autant plus écrasants.

Munchausen est une excellente illustration de l’utilisation d’une narration minimaliste et de la confiance que l’on peut accorder à ses images. Le montage et l’intégration des coupes, par exemple pour les laps de temps, sont très impressionnants.

The Turtle’s Head

Sortie : 2014 – Durée : 11 minutes

Le film The Turtle’s Head se distingue certainement par la capacité d’Aster à faire prendre au récit un tournant inattendu, laissant le spectateur avec une histoire ou un personnage très différent de ce qu’il pensait à l’origine. Au départ, le film se présente comme une intrigue policière misogyne avec une voix off exagérée, établissant une atmosphère de roman noir avec sa bande sonore, sa cinématographie et même sa police de caractères. Il est vraiment remarquable de constater qu’Aster a réussi à construire ce film en seulement dix minutes. Cependant, l’intrigue prend un tournant brutal vers l’horreur corporelle lorsque le protagoniste découvre que son pénis rétrécit. Le mystère complexe qui était au cœur de l’histoire est relégué à l’arrière-plan, tandis que la peur existentielle du protagoniste prend le devant.

La tournure amusante de ce court métrage peut sembler ridicule, mais Aster s’attarde sur la représentation de ces organes génitaux grotesques et diminués bien plus longtemps que nécessaire, dans le but évident de mettre le public mal à l’aise et de l’obliger à se confronter à cette horreur, tout comme le détective. C’est le plus ouvertement comique des courts métrages d’Aster, mais il est un exemple parfait pour illustrer comment un récit peut changer d’atmosphère aussi rapidement.

La série Portraits (ci-dessous, Basically et C’est la vie)

Lors du Festival du film de New York, Aster a décrit cette série comme une anthologie en 12 parties qui est un « portrait panoramique de Los Angeles ». Ces courts métrages sont des études de caractère qui plongent dans les profondeurs des gens d’une manière non conventionnelle, qui brise le quatrième mur. Deux d’entre eux sont visibles sur Internet.

Basically

Sortie : 2013 – Durée : 15 minutes

Rachel Brosnahan (La star de la série Amazon Prime Miss Maisel) interprète avec brio le rôle d’une riche jeune femme de Los Angeles dont la vie apparemment parfaite s’effondre peu à peu. Le film Basically tente de découvrir les raisons pour lesquelles les gens participent à l’industrie du divertissement et ce qu’ils essaient d’accomplir dans un monde aussi superficiel. Le film a une qualité surréaliste et abstraite qui met en scène les opinions cyniques du personnage sur ceux qui l’entourent et son refus d’écouter ses propres conseils.

La composition experte des plans de Basically permet d’observer le monologue flottant de Shandy Pickles. En si peu de temps, le court métrage en dit long sur le personnage. Bien que Shandy se tienne à carreau pendant la majeure partie du court métrage, elle finit par montrer sa véritable vulnérabilité et son caractère brisé à la fin.

C’est la vie

Sortie : 2016 – Durée : 8 minutes

C’est La Vie est un récit qui est dépeint à travers les yeux d’un toxicomane sans-abri. Il s’agit d’une immense critique de la société, du consumérisme et de la façon dont les individus peuvent se retrouver à la rue sans l’avoir prévu. Ce qui est efficace ici, c’est que le sans-abri dénonce la société et les gens, alors qu’il n’est pas lui-même un grand exemple. Il commet un cambriolage, puis crie : « Et ne me lancez pas sur le SIDA ». Le film entier a tendance à devenir parodique, mais il représente efficacement non seulement la situation contradictoire de l’Amérique, mais aussi la famille ou la relation conventionnelle qu’elle contient, et dans laquelle Aster est si absorbé.

Dans C’est La Vie, le ton devient progressivement plus sombre et plus intense au cours des sept minutes, comme si le narrateur était entraîné dans quelque chose de glauque.

Beau (sans lien vidéo)

Beau est le court-métrage qui sert de source d’inspiration Beau is Afraid.

Dès le début, il est important de noter que Beau ne doit pas s’assoupir. Ce point apparemment insignifiant donne le ton de ce court métrage de six minutes. Il suit les difficultés d’un individu effrayé et méfiant qui tente de s’assurer que sa maison est sécurisée et qu’il est en sécurité. Bien que les événements qui se déroulent soient amusants (le court métrage peut être trouvé sur Funny or Die), à travers les yeux de Beau, le court métrage ressemble davantage à un film d’horreur. Il y a un élément semblable à Home Alone lorsque Beau tente d’accepter que quelqu’un d’autre est en possession des clés de son appartement et qu’il pourrait être en danger.

Cet ensemble de courts métrages d’Ari Aster est inégal, mais il permet vraiment de percevoir la richesse narrative et l’audace de son auteur, alors qu’il apprend le cinéma. A votre tour d’imaginer des courts métrages authentiques et uniques, même si c’est particulièrement difficile dans l’industrie en France.

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Christopher Guyon

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