Lors de la première édition du Kill Valentine Film Festival, nous avons eu le plaisir de récompenser le film Suivez la flèche de Marc Saez. A cette occasion, nous avons pu échanger avec ce réalisateur prometteur qui a pu participé à la course aux Oscars.
Bonjour Marc, peux-tu commencer par te présenter ?
Je suis Marc Saez, je suis acteur, auteur et réalisateur. Je suis né à Marseille où j’ai fait mes études de Langues Etrangères Appliquées, en plus d’études au conservatoire d’Art Dramatique. J’ai tourné dans pas mal de téléfilms, séries et longs métrages. Notamment dans Le grand pardon 2 ou la série Borgia de Tom Fontana. A 15 ans, en plus de mes études, j’ai été animateur radio dans plusieurs stations libres ce qui a failli me mener à l’antenne de RMC à 20 ans mais comme il fallait que je ne fasse plus que de la radio et que je m’installe à Monaco, j’ai fui ce que j’appelais le « fonctionnariat de l’art » pour me lancer et monter à Paris sans y avoir de contacts précis. Je voulais être un artiste libre. Pouvoir passer au gré de mes envies d’un univers à l’autre et surtout, créer, raconter des histoires. Aujourd’hui j’évolue autant dans le milieu du doublage en tant que voix, mais aussi adaptateur et directeur artistique que dans la création au théâtre ou au cinéma.
Ton film « Suivez la flèche » a récemment été primé au Kill Valentine Film Festival. D’où vient le concept du film ?
Je voulais parler de la passion, mais à ma manière. Par exemple le rapport entre un peintre, un sculpteur et sa muse m’a toujours fasciné. Quand il n’y a pas de barrière franchie entre les deux intervenants mais que le désir est là et qu’il se mêle à l’admiration et fait vibrer les êtres. Il y a ce côté charnel très fort et cette passion qui aboutit à la création. Véronique Picciotto l’actrice principale du film avait été avec un peintre, elle avait même posé pour les élèves des beaux-arts elle avait évoqué ces rapports avec moi lors de discussions. Il y a une chose qui m’intéressait fortement dans les relations et aussi dans le monde de l’art. Une toile par exemple elle est remplie de mystères et évoque des choses différentes pour chacun de nous. Je voulais faire un film Romantique dans le vrai sens du mouvement culturel apparu fin du XVIIIème siècle en Allemagne et en Angleterre et qui s’est ensuite diffusé partout en Europe. Il y mêlait les sentiments, la littérature, le fantastique. Je suis donc parti du postulat : Est-ce qu’une personne qui a déjà eu des aventures s’autoriserait à tomber amoureux ou amoureuse d’un artiste qui aurait un univers tourmenté et dur ? Peut-on dissocier l’œuvre du créateur ? J’ai ensuite construit mon histoire comme un Thriller.
Si je ne dis pas de bêtises, il a d’ailleurs une belle carrière en festivals non ?
Oui ce qui est fou c’est que ce film date de 2011 et à l’époque je l’avais peu inscrit en festivals. Entre 2011 et 2013 il avait dû remporter une quinzaine de prix. C’est en fait le succès de mon deuxième court qui a relancé la carrière du premier. On me l’a demandé dans plusieurs festivals du coup je l’ai réinscrit et à ce jour le film a remporté 60 awards à travers le monde.
Et un autre de tes projets a même fait la course aux Oscars ?
Oui Le Rôle de ta vie (« The role of a lifetime« ) qui traite du harcèlement a une carrière incroyable. On en est à 130 Awards à travers le monde dont 42 prix d’interprétation pour Véronique qui doit à mon avis rentrer au Guiness Book des Records ah ah ah !
Le film a fait partie de la Long list des Oscars et on a eu une pleine page dans Variety, c’était magique.
Revenons-en à « Suivez la flèche« , comment as-tu abordé l’écriture de ce scénario, et qu’est-ce qui a été le plus important pour toi dans son exécution ?
Je ne me lance pas dans une histoire si je n’ai pas un super début et une super fin. Là j’avais tout, j’avais mes acteurs en tête dès le début, ensuite le challenge était de construire la tension, et de mener le spectateur dans mon univers.
Quel genre de préparation ou de recherches as-tu fait pour donner vie au film ?
Un film c’est un scénario mais aussi un univers que tu construis avec ton choix d’image et tes décors.
C’est moi qui ai trouvé tous les lieux, je voulais de la matière à l’image, du pavé qui ruisselle éclairé par les lampadaires parisiens, des tentures pourpres, de la pierre de taille aux murs, du marbre et de la pierre de taille dans la galerie. Il fallait que la sensualité se dégage aussi des éléments.
Quels ont été les principaux défis à relever pour réaliser le film ?
On a fait le film en équipe réduite et en trois jours et demi. La plus grosse journée a été celle de studio car on a tourné le début du film avec le lavabo, les bâches, mais aussi la chute dans le tableau et les scènes d’amour qui étaient sur un lit peu confortable placé sur une tournette mécanique qui servent aux expos de voitures. Pour les scènes d’amour c’est toujours délicat mais j’avais volontairement associé Véronique et Jean Marie Lamour qui avaient déjà tourné ensemble dans un court métrage où ils étaient amants et s’embrassaient. Jean Marie est un ami en plus d’être un excellent acteur et du coup je savais qu’il serait bienveillant dans ce type de scènes. C’est assez mécanique à tourner en fait : tu rythmes et fais monter désir et la sensualité avec le montage. C’est un cadeau très que te font les acteurs de se mettre à nus pour un film ou une pièce. J’ai tout fait pour les préserver et mon cadeau à moi c’étaient que leur beauté et leur sensualité soit magnifiée à l’image et non vulgarisée. Véronique Picciotto est une remarquable actrice, valeureuse, intelligente, respectueuse, tu lui expliques un truc, elle l’intègre, elle le fait, c’est un bonheur. La pauvre a couru pendant des heures de nuit avec des nus pieds sans jamais se plaindre.
On a tourné avec la Red One à l’époque, et sur une des scènes de course on est un peu sombres à l’image parce que le soir où on a tourné on devait s’appuyer sur les éclairages naturels des nuits parisiennes en plus de ce qu’on installait mais qui devait être rapidement démontable pour passer rapidement à un autre lieu, on a tourné entre le 9ème 10ème et 18ème. C’était chaud mais passionnant.
Peux-tu nous parler de tes projets actuels et futurs ?
En tant qu’acteur je serai dans Oxygène d’Aja sur Netflix le 12 Mai. Je l’ai aussi aidé en tant que Directeur Artistique sur ce film en lui trouvant et dirigeant des acteurs et actrices face à Mélanie Laurent.
Sinon je suis en train d’écrire mon premier long métrage et je démarcherais des productions une fois ma V1 terminée avec en plus des lettres d’acceptation de certains comédiens qui acceptent d’emblée de tourner avec moi. J’ai un gros film avec effets spéciaux qu’on a essayé de monter avec Aja depuis 6 ans maintenant. A l’époque on devait même avoir Jaden Smith le fils de Will Smith et puis c’est tombé à l’eau suite à la déconvenue de leur film After earth. Du coup aujourd’hui je déstructure mon long métrage pour en faire une série de 8 épisodes de 35 minutes. J’en ai déjà 3 d’écris ce qui est suffisant pour démarcher des productions qui pourront proposer ensuite la série à une plateforme.
Quelle partie du cinéma te passionne le plus ?
Ce qui me passionne c’est d’arriver à mettre en image ce que tu as en tête et en être fier. Te dire : « Ouais c’est exactement ça que j’ai écrit et que je voulais !« . Chaque étape est pour moi passionnante. Quand tu es auteur réalisateur et producteur c’est un vrai combat à mener jusqu’au bout. Mais quelle fierté quand tout est prêt à être présenté. Le montage, c’est là que tu fais ton film, que tu peux encore changer en te disant : « Ouais, ok ce plan il est beau, mais il ralentit l’intrigue !« . Voir réagir le public dans une salle est un moment magique. C’est le cadeau si tu as bien travaillé. Pour moi le cinéma se mérite. Je préfère faire moins de films mais être fier de chacun d’eux, qu’ils résistent aussi à l’épreuve du temps. Je ne me retrouve pas dans notre époque ou dans certaines émissions de critiques où on démonte un livre en dix secondes en le jetant par-dessus son épaule, ou bien un film en le détruisant aux yeux de millions de spectateurs avec deux trois mots assassins… C’est tellement dur d’arriver au bout d’une œuvre, il y a tellement de gens qui ont travaillé dessus avec la même passion.
Et enfin, quels sont tes réalisateurs préférés ?
Il y en a tellement. J’ai adoré El secreto de sus ojos (« Dans ses yeux« ) de Juan José Campanella. C’est un film que j’aurai adoré faire en tant que réalisateur. J’aime beaucoup Darren Aronofsky et notamment « The fountain » qui est un film magnifique avec beaucoup de sensibilité. J’adore les frères Coen pour leur folie et leur originalité, Ridley Scott pour l’ensemble de son œuvre, Robert Zemeckis qui réveille l’ado en moi, David Cronenberg et Paul Verhoeven qui touchent au viscéral. Mais pour moi les meilleurs de tous : Charlie Chaplin, Orson Wells et Alfred Hitchcock, là on touche au génie, c’est jubilatoire de revoir leurs films et de se resituer à leur époque avec les moyens techniques qu’ils avaient. Quelle force de création, quelle imagination débordante, quel talent ! C’est beau le cinéma, non ?
En effet c’est beau le cinéma Marc ! Merci pour cet interview 🙂