Masterclass Lost River : Ryan Gosling parle de son premier film

Ryan Gosling répond aux questions de la presse dans le cadre de la sortie de son premier film en tant que réalisateur : Lost River. Vous pouvez par ailleurs en lire la critique ici !

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Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la réalisation après une carrière fulgurante en tant qu’acteur ?

Il y a la sécurité de l’emploi ! (rires)

Ce n’est pas vraiment un choix si direct et spontané. C’est réellement en déambulant dans Detroit, en voyant l’état de cette ville et de ses habitants que j’ai ressenti comme une obligation de témoigner.

Vous savez, il y a beaucoup d’émotions palpables, c’est très prenant et triste de simplement « visiter » Detroit. J’ai fait un film que j’ai voulu universel, reflet de l’état d’esprit de ces familles qui décident de rester.

Comment vous est venue l’idée de faire ce film ? Quel a été le processus créatif ?

J’ai grandi au Canada avec une idée très romantique des Etats-Unis et surtout de Detroit car c’est une ville voisine. C’est aussi l’image du rêve américain. Lorsque je m’y suis rendu, plus tard, j’ai été très surpris car c’était très loin de ce que j’avais imaginé.

Il faut voir ces kilomètres de quartiers abandonnés, et parfois des familles qui essayaient de s’accrocher à leurs maisons pendant que les maisons voisines étaient détruites. J’ai eu envie d’en faire un film : le rêve américain qui se transforme en cauchemar pour ces personnes.

J’ai donc commencé à filmer seul durant un an, avant que tout Detroit soit détruit. J’ai accumulé énormément de vidéos et de rush pendant ce repérage. J’ai écrit le scénario au fur et à mesure de ma découverte de la ville.

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D’où vous est venue l’idée du mythe de la ville engloutie que l’on découvre durant le film ?

De mon enfance ! La rivière proche de chez moi était tout simplement le résultat de la création d’un barrage. Cela me faisait extrêmement peur car, après l’avoir su, j’ai réalisé que j’avais nagé au dessus de ruines d’une ville. Cela m’a tellement hanté que j’en ai refusé de prendre des bains pendant quelques temps !

En filmant Detroit, j’ai eu cette impression de submersion des populations qui ont choisi de rester ancré dans une ville presque fantôme. J’ai décidé de faire cohabiter ces deux univers dans mon film.

Dans Lost River, il existe de nombreuses références aux contes de fées : noms de personnages typiques (Rat, Bully, méchant…), malédiction sur la ville, grand méchant… Pourquoi avoir choisi cette forme particulière pour parler des rêves détruits ?

Vous savez, il y a quelque chose d’assez surréaliste qui se dégage de ces gens qui vivent là-bas. Ils semblent être les derniers survivants de la planète Terre… L’ambiance qui s’en dégage est très proche de la fantasy ou du conte de fée. Il est parfois très difficile de croire à ce que l’on voit. Et les habitants de Detroit essayent de penser qu’il ne s’agit pas d’un effondrement économique mais que cela vient d’ailleurs.

Je n’ai pas voulu faire un film spécifique à Detroit mais une histoire universelle. J’ai voulu raconter une histoire du point de vue des jeunes adolescents qui ont une vision très romantique de ce qui a pu se passer pour leur ville. Une sorte de malédiction qui en fait quelque chose d’important, d’attachant et contre lequel ils peuvent trouver une solution par eux-mêmes pour casser le mauvais sort !

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Lost River a une forte dimension onirique et un style proche du cinéma fantastique. Est-ce un style que vous avez souhaité imprimé dès le départ ou cela a-t-il émergé durant le tournage ?

Oui, j’ai tout de suite voulu marqué la dimension de rêve qui se transforme en cauchemar. Le film est volontiers à cheval entre Fantasy et réalité sans jamais tomber complètement dans le cinéma fantastique.

Pour rester ancré dans le réel, nous avons souvent intégrer les habitants, les passants dans le film, dans la narration. Par exemple, la scène de la station essence où Matt Smith « Bully » danse avec une vieille dame n’était pas dans le script d’origine. Je pense que cette station essence ne vendait, en réalité, pas que de l’essence ! (rires) Le fait de tourner sur ce lieu a vite créer des tensions. Les gens s’énervaient et nous avons décidé de les laisser entrer dans le champ, de composer avec eux. Les acteurs étaient tellement bons que nous n’avons pas eu besoin de faire grand-chose. Ce sont les acteurs qui ont porté les habitants hors de Detroit pour les intégrer dans Lost River et sa Fantasy.

Les habitants de Detroit ont apporté une identité forte à mon film, entre réalité et fantasy.

Autres références très visibles dans le film : le théâtre du Grand-Guignol ou le Hell’s Café. D’où vous est venue cette inspiration pour intégrer ce genre de lieux à l’histoire ?

Vous avez raison, la façade du cabaret de Lost River est directement inspirée de l’immeuble historique du Hell’s Café de Paris. Je peux citer d’autres lieux comme la Death Tavern ou effectivement le théâtre du Grand-Guignol.

J’ai passé du temps à Detroit mais aussi dans les zones touchées par les ouragans et à chaque fois, les habitants cherchaient une sorte d’exutoire pour échapper à la gravité de la réalité. Dans ce genre de lieux, personne ne vous regarde… ne vous juge. Je voulais trouver un moyen d’incorporer cet aspect sombre, cette dimension, cette noirceur dans mon film.

Nous avons perçu de nombreuses références dans Lost River : Kubrick, De Palma, David Lynch, Malick. Qu’en pensez-vous ? Etes-vous conscient de la visibilité de ces références ?

Merci mais je parle plus volontiers d’influence des Goonies ! (rires)

Lorsque j’ai envoyé mon script pour la première fois à mon compositeur Johnny Jewel, je ne lui ai rien dit. Et il m’a répondu par SMS : « Dark Goonies, cool ! ». Il s’agit surtout d’influences de films du début des années 80 qui m’ont nourri quand j’étais gamin comme Brisby et le Secret de NIMH. Ces histoires racontent la vie de familles menacées qui vivent avec une sorte de malédiction ou de danger constant. Je voulais faire ma propre version de ce style qui m’est cher.

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Le montage du film a changé entre le Festival de Cannes 2014 et la sortie grand public en salle. Quels sont les changements et pourquoi ?

Le montage initial du film comportait quelques morceaux de musiques dont je pensais qu’ils étaient entrés dans le domaine public. J’avais tort !

J’ai donc dû retirer ces chansons du film avec les séquences sur lesquelles la musique était présente. J’ai bien tenté de changer les musiques, mais cela ne fonctionnait pas.

Je trouve que ce montage final rend mieux.

Quel regard portez-vous sur le cinéma indépendant américain ? Est-ce important pour vous de le défendre grâce à Lost River ?

J’adore le cinéma indépendant. Mon premier film en 2001, était un film de Henry Bean « Danny Balint » ou « The Believer » qui raconte l’histoire d’un nazi juif. J’avais a peu prêt 20 ans et pour moi c’était ma plus belle expérience, très challenging, et surtout très étrange. On s’est battu pour trouver le public, jusque dans des festivals !

Par la suite, j’ai fait d’autres plus gros films sans jamais retrouver cet esprit du film indépendant. Une part de moi a toujours voulu revenir à ce genre de films, un peu dans une ambiance de film d’étudiant, expérimentaliste.

 

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Antoine Godbillon

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