Le cinéma, depuis sa création, a connu de grandes mutations. Aujourd’hui, il fait partie intégrante de la culture de chaque pays, c’est un art à part entière avec ses codes et ses règles. Il a en effet un rôle culturel dans nos sociétés ; grâce au cinéma, on apprend, on découvre, on débat, on développe notre sensibilité… comme les autres arts tels que la peinture ou la musique, mais celui-ci est sûrement plus accessible et démocratique. C’est l’art dont les Français parlent le plus, et pour cause, il y a plus de 200 millions d’entrées chaque année en France. Chaque année, plus de 600 films sortent en France et 50 d’entre eux font plus d’un million d’entrées. Plus de 70% de la population va au cinéma plusieurs fois par an. Nous allons parler de son marketing, mais pour cela nous avons besoin de considérer que le cinéma est un produit comme les autres, il est donc soumis à certaines règles de marketing et de communication. C’est donc ce que nous allons voir dans cet article.
Le modèle économique
Tout d’abord, le cinéma comme chaque marché, a ce que nous appelons un cycle de vie. C’est la manière dont va évoluer le produit et sa consommation à long terme sur le marché auquel il appartient. Dans le jargon, on parle de la phase de lancement suivie de la croissance, puis de la maturité, ensuite la saturation pour finir avec la régression. Ici, on parle donc des films sur le marché du cinéma, le cycle de vie, qui est appelé la chronologie des médias est légèrement différente mais se divise en cinq phases également :
- La sortie en salle : en fonction de la durée d’exploitation, le film sera diffusé dans les cinémas plus ou moins longtemps.
- Après 4 mois, le film est disponible en DVD et en VOD (vidéo à la demande)
- 10 mois après, ce sont les chaînes payantes qui peuvent diffuser le film (Canal +, Orange…)
- Au bout de 22 mois, le film est disponible sur les chaînes gratuites coproductrices (et au bout de 30 mois pour les chaînes uniquement diffuseurs)
- Puis au bout de 36 mois, le film est disponible en SVOD (plateformes de streaming par abonnement). Ce délai, nettement critiqué notamment avec le développement des plateformes comme Netflix et Prime Vidéo, a récemment été modifié. En fonction de leur participation à la production, les plateformes pourront diffuser les films plus tôt.
Mais avant la diffusion évidemment, le producteur doit financer et surtout préfinancer son film, car il doit obtenir un budget lui permettant de couvrir le budget de production qu’il a déterminé. Alors qu’elles sont les sources de financement d’un film ?
- Tout d’abord, de la part des salles de cinéma qui fournissent généralement une avance qui peut aller jusqu’à 20% du budget total du film.
- Il en est de même pour les organismes de VOD mais aussi les chaînes qui préachètent leur droit de diffusion et couvrent jusqu’à 50% du budget.
- Le fond de soutien des films précédents, qui est une taxe prélevée sur les tickets de cinéma et sur le chiffre d’affaires des chaînes et des plateformes de VOD, peut être utilisé pour le film.
- Les aides publiques, en fonction des régions, de l’UE, du CNC… Renseignez-vous sur tout ce que vous pouvez toucher.
- Les fonds privés et SOFICA (Société pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle) qui peuvent être investis pour finaliser le budget. Si vous démarchez des entreprises, vous pouvez augmenter ce budget.
Le crowdfunding peut également permettre de couvrir une part du budget, un article est disponible sur le sujet.
Le cœur du marketing
Dans cet article, nous allons aborder les bases du marketing et de son adaptation au cinéma. Pour aller plus loin, je ne saurai que trop recommander de lire le livre Le marketing du cinéma, référence sur le sujet depuis plusieurs années, récemment mis à jour pour évoquer les nouveaux enjeux liés au marketing digital.
La première étape est effectivement, comme pour tout produit marketing, de définir une cible et un positionnement, c’est-à-dire de choisir à qui va s’adresser le produit et quelle image nous voulons renvoyer au consommateur.
Pour un film, la cible va être un profil construit en fonction de la tranche d’âge, du métier, du profil spectateur, de l’habitude à aller au cinéma, des loisirs et centres d’intérêt… Il faut qualifier la cible le plus précisément possible. Il est très important de connaître ses spectateurs, les producteurs ont souvent tendance à oublier que ce sont eux qui vont décider du succès du film. Alors c’est à eux qu’il faut parler. Pour chaque film mais aussi chaque produit, nous discernons plusieurs cibles : la cible primaire, c’est ceux qui sont convaincus d’avance, ceux qui seront là pour sûr. Malheureusement ils ne sont pas très nombreux mais ils ont l’avantage d’être des excellents outils de communication car ils parleront de votre film. Ensuite, la cible secondaire, c’est ceux qu’il faut justement convaincre. Ils sont potentiellement intéressés mais s’ils ne sont pas séduits ils ne se déplaceront pas pour vous. Et enfin la dernière cible n’est justement pas une cible, c’est le ‘’hors public’’, ceux qui ne seront probablement pas intéressés quoiqu’il arrive. Ils représentent entre 75 et 80% de la population française… Le problème, c’est que beaucoup des campagnes de communication arrivent à leurs oreilles alors qu’ils n’en n’ont rien à faire… ce qui représente un coût énorme.
Le positionnement sera plutôt de quoi on parle, le genre auquel le film appartient, le budget, les acteurs etc… Il a toute son importance en communication quand il faudra orienté le spectateur dans telle ou telle direction. Vous pouvez positionner votre film en fonction de son genre (comédie, drames, policier…), en fonction de son style et des techniques utilisées (film d’auteur, d’animation…) ou en fonction des atouts du film (réalisateur, scénario, comédiens…).
La deuxième étape est le mix marketing, ou la politique des 4P. Pour un produit classique, il s’agit du Produit, de son Prix, de sa Place (distribution) et de sa Promotion. Pour le cinéma il s’agit donc :
- Du film (produit) : production du réalisateur
- Son prix
- Sa distribution en cinéma et sa chronologie médias
- Et sa promotion (dont nous parlerons plus tard)
Pour le cinéma ce mix marketing est un peu différent d’un produit classique car en effet, le prix ne dépend pas du producteur mais bien des salles de cinéma qui fixeront le prix du ticket. La distribution est elle aussi hors de portée du producteur puisqu’elle est régie par des décrets concernant la chronologie médias. En revanche la date de sortie peut être choisie. Pour cela il faut prendre en compte plusieurs éléments :
- La date de disponibilité, c’est-à-dire le moment où votre film sera montrable, même s’il reste encore un peu de travail, car c’est à partir de là que vous allez pouvoir discuter avec les distributeurs.
- La date de sortie des concurrents : regardez les calendriers de lancement des gros organismes comme CBO-box-office ou Rentrak pour ne pas vous faire noyer sous un gros film à succès qui risque de vous faire perdre en visibilité.
- La structure du marché : en fonction des périodes, les cinémas sont plus ou moins fréquentés, par exemple pendant les vacances de Noël, c’est un temps fort et c’est la période la plus fréquentée de l’année.
- Les événements extérieurs de manière générale : certains facteurs vont avoir tendance à booster les entrées (sortie de confinement, vacances scolaires, jours fériés, longs week-ends, les fêtes et événements liés au cinéma…) et d’autres à les ralentir (crise économique, période d’impôts, beau temps, événements sportifs comme les JO ou les coupes du monde…). Certains facteurs ne sont certes pas prévisibles, mais vous pouvez vous douter qu’en juin, à l’arrivée des chaleur, la fréquentation n’est pas au beau fixe.
Ces deux éléments sont les basiques de n’importe quel projet marketing, car ils permettent d’établir au mieux votre communication. Le plus d’éléments vous aurez, le plus votre campagne sera pertinente et performante
Stratégies de lancement et communication
Il y a plusieurs outils qui permettent d’atteindre le spectateur avant la sortie du film :
- L’achat médias, c’est-à-dire les emplacements dans les médias que vous allez acheter : des affichages, dans la presse, des annonces sur les réseaux sociaux, pub à la télé, à la radio…
- Le trade marketing, ou les petites bandes annonces dans les salles de cinéma avant le début d’un autre film
- Les relations de presse
- La gestion des réseaux sociaux, qui est aujourd’hui impérative
- Les partenariats et sponsors
- Evénements d’avant-première ou événement spéciaux, comme des screening parties
Globalement, ces outils sont les mêmes pour toute communication, ne les négligez pas. Vous pouvez les allier et les intégrer à vos stratégies de lancement, il en existe plusieurs :
- La communication événement : prévenir le plus grand nombre via les canaux les plus puissants comme le digital, les grandes chaînes télévision… Cette technique permet d’augmenter la notoriété et la visibilité très rapidement. Elle est dite ‘’événement’’ car elle est souvent appliquée pour prévenir un événement comme un début de tournage ou la sortie du film. Coutant relativement cher, ce sont souvent les blockbusters et les grands films américains qui y ont recours (La Reine des Neiges, Twilight…)
- Garder le film sous pression : cette technique consiste à rester très discret sur le film, on met en avant les acteurs qui en parlent mais très peu les journalistes ou la presse, de sorte qu’un mystère se créé autour de la production. Ceci peut être assez risqué, mais elle est souvent bénéfique aux films qui sont attendus depuis longtemps (La vérité si je mens, Avengers 2…)
- Le bouche à oreille : il reste une des armes les plus puissantes malgré l’air du digital et surtout grâce au digital. La meilleure solution est d’organiser des avants premières, d’inviter des personnes qui ont de l’influence (magazines spécialisés, journalistes, influenceurs…) et de les laisser communiquer et parler de votre film pour vous (gros succès pour Intouchable par exemple). Sinon, vous pouvez présenter votre film aux festivals et encore une fois laisser les gens en parler.
- L’ultra-ciblage ; permet de faire une communication très spécifique pour toucher un public en particulier et d’adapter sa communication au plus près de la cible. Parfois restreinte, vous toucherez moins de monde mais mieux, ce qui peut s’avérer une très bonne stratégie (Projet X en est témoin)
Bien sûr, rien ne vous empêche de sortir des sentiers battus et de mixer des stratégies ou de créer la vôtre, libre à vous ! N’hésitez pas à étudier les films à succès, ceux qui se rapprochent le plus en termes de ciblage et de positionnement à votre film afin de reproduire ce qui a pu fonctionner dans leur campagne.