Généralement, un film comprend plusieurs centaines de plans, voir des milliers pour certains films d’action hollywoodiens récents. Le plan séquence, très apprécié des grands cinéastes, va un peu à l’encontre de la tendance puisqu’il consiste en une scène filmée en un seul plan, sans coupure.
Définition
Le plan est un morceau du film entre deux raccords. Une séquence est un passage, une scène d’un film se situant dans un seul et même lieu (sauf en cas de déplacements importants) et reposant sur une action ou un dialogue principal. Un plan-séquence est donc une séquence composée d’un seul et unique plan, restitué tel qu’il a été filmé, sans aucun montage, plan de coupe, fondu ou champ-contrechamp. Alors que les mouvements restent possibles, cela n’est pas permis dans un plan fixe, ce qui en fait leur principale différence.
Fonctionnement
Concrètement, réaliser un plan-séquence suppose que la caméra filme en continu durant le tournage de l’ensemble de la séquence. Dans le cas d’un dialogue, il n’y aura pas de champ-contre-champ pour dynamiser la séquence. Le réalisateur pourra choisir un plan fixe ou faire tourner sa caméra autour des personnages concernés par le dialogue afin de maintenir une certaine dynamique.
Le plan-séquence est l’une des techniques les plus difficiles à maîtriser pour un réalisateur. Tout doit être préparé à l’avance ; les mouvements de caméra et des acteurs mais aussi des techniciens afin d’éviter que la perche son, ou une ombre non souhaitée apparaissent à l’écran. La moindre petite erreur oblige à recommencer le tournage de cette séquence depuis le début.
Voici les coulisses d’une telle scène, nécessitant deux actrices au physique similaire et une technique irréprochable de caméra portée :
La durée d’un plan séquence est variable, mais les contraintes citées plus haut font des longs plans-séquences des prouesses filmiques extrêmement reconnues par les cinéphiles. C’est notamment le cas dans le film 1917, sorti en 2020, dont le plus long plan-séquence dure jusqu’à 8 minutes!
Portée, intérêt
Le premier intérêt qui vient à l’esprit pour le plan-séquence est qu’il rend la scène plus réaliste que si elle était composée de nombreux plans. L’impact sur le spectateur est souvent bien supérieur lorsque l’on utilise la technique du plan séquence.
Les plans séquences les plus appréciés sont ceux qui durent plusieurs minutes, qui suivent les personnages ou l’action sur une distance significative en s’affranchissant des contraintes spatiales. L’immersion est totale durant ses séquences ou l’on ressent vraiment la difficulté que peut rencontrer le personnage lors de son déplacement.
Le plan séquence permet également de jouer sur le rythme. On peut ainsi créer une atmosphère particulière. Accompagnés d’une musique douce, des mouvements lents de caméra créeront une ambiance légère.
Enfin, le plan séquence peut mettre en avant la performance physique d’un comédien pratiquant lui-même une cascade ou pour une scène de danse.
Après, bien souvent les spectateurs vont chercher une raison à un plan séquence, et s’il n’en trouve pas vont estimer qu’il ne sert à rien. Or, il n’y a pas forcément besoin d’une utilité dramaturgique ou de mise en scène pour utiliser un plan séquence. Cela peut être parfois totalement gratuit, sans que ça ne pose de problèmes. Il ne faut pas chercher une raison à chaque plan !
Les origines du plan séquence
Comme souvent lorsque l’on tente de remonter aux sources d’un phénomène, il est bien difficile de déterminer avec exactitude les premières utilisations du plan-séquence. Certains citent les frères Lumière ou encore Murnau mais le premier à vraiment avoir utilisé la technique du plan séquence à plusieurs reprises dans l’un de ses films se nomme Alfred Hitchcock. Le maître du suspense, limité par la longueur des bobines de l’époque, a réalisé son film La Corde en huit plans séquences de dix minutes chacun.
Depuis, de nombreux autres réalisateurs ont utilisé le plan-séquence dans leurs films. Les plus célèbres sont Brian De Palma, Martin Scorsese ou encore Alfonso Cuaron.
En 2002, le cinéaste russe Alexandre Sokourov a réalisé un véritable exploit technique et narratif en tournant L’Arche Russe, un film composé d’un seul et unique plan séquence de 96 minutes. Cette prouesse a été rendue possible grâce à l’utilisation d’une caméra haute-définition équipée d’un disque dur.
Aujourd’hui, grâce au montage numérique, il est possible de faire de faux plans séquences. Il s’agit d’un plan ayant l’aspect de séquence une fois en salle mais qui n’est pas tourné en une seule prise. Il est ainsi devenu possible de tricher avec le plan séquence, ce qui peut produire parfois des plans encore plus impressionnants. Le meilleur exemple de cela va être Birdman de Alejandro G. Iñárritu, qui est un faux plan séquence du début à la fin, à l’instar de 1917.
Quelques exemples de plans séquences
Old Boy de Park Chan Wook
Old Boy, une merveille du cinéma coréen primé à Cannes, offre un plan séquence d’une puissance incroyable. Pourtant, cette séquence est relativement courte par rapport à d’autres plans séquences, mais la position et les mouvements de la caméra créent une atmosphère vraiment particulière. La technique du plan séquence a permis à Park Chan Wook de créer une séquence unique dans le cinéma, comme on n’en retrouve dans aucun film.
Shining de Stanley Kubrick
Au cours de sa carrière, Stanley Kubrick a régulièrement utilisé la technique du plan séquence. Cette scène du couloir dans Shining est une merveille. Nous suivons le jeune Danny à travers les couloirs peu rassurants de l’hôtel. La fluidité de la caméra nous met vraiment dans la peau du petit, et lorsque le rythme change, l’inquiétude, déjà présente, s’en retrouve encore plus forte.
Broken Flowers de Jim Jarmusch
Le plan séquence n’a pas forcément besoin d’être couplé à des mouvements virtuoses pour être efficace. Ici, Jim Jarmusch utilise le plan séquence pour ralentir considérablement le rythme, afin d’illustrer la solitude du personnage de Bill Murray. Un scène très ennuyeuse, ou particulièrement drôle et efficace, cela dépendra de l’appréciation du spectateur…
Soy Cuba de Mikhail Kalatozov
Les plans séquences, c’est parfois très impressionnant par la fluidité de la caméra et par son parcours. Voir cela en 1964, ça l’est encore plus! Dans Soy Cuba, réalisé par le très grand Mikhail Kalatozov, il y a de nombreux plans séquences dignes de virtuoses, qui sont de réelles prouesses techniques, mais le plus célèbre reste celui-ci. Alors que le plan commence en haut d’un hôtel, il se termine trois minutes plus tard dans une piscine, plusieurs étages plus bas.
Les fils de l’homme d’Alfonso Cuaron
Alfonso Cuaron est depuis longtemps l’un des maîtres du plan séquence. L’un des grands moments qui l’ayant nommé en tant que tel est celui de la voiture dans Les fils de l’homme. Il y a évidemment le très impressionnant passage de 7 minutes sans interruption à la fin du film, mais la justesse de ce plan dans un lieu si fermé laisse pantois devant tant de virtuosité. Pour le faire, c’est une caméra et un dispositif nouveau qui ont dû être créés !
La La Land de Damien Chazelle
Beaucoup ont dû voir ce film, et beaucoup ont dû être impressionnés dès le début par l’incroyable plan séquence sur la chorégraphie de Another Day of Sun au tout début de La La Land. Et bien, il s’agit d’un faux plan séquence ! Cela peut se deviner quand on voit certains mouvements de caméra et enchaînements, mais ça n’en reste pas moins impressionnant.
Les affranchis de Scorcèse
Un plan séquence, ce n’est pas forcément un plan de plusieurs minutes. Il peut s’agir d’un plan assez court et simple. Par exemple, celui de Scorcèse dans Les Affranchis ne dure qu’une minute, mais est diablement efficace avec les personnages présentés qui s’adressent à la caméra.
Kill Bill de Quentin Tarantino
Dans ce plan séquence, la caméra de Quentin Tarantino se balade à travers tout le restaurant, suivant les couloirs puis surplombant les cloisons du décor. Le tout est lié par la musique du groupe, et tout va s’arrêter lors de la sonnerie de téléphone. Très fluide et naturel, c’est un très bon plan séquence.
True Detective
Il n’y a pas que dans les films que l’on trouve des plans séquences de qualité ! On pourrait par exemple penser à l’épisode de la saison 3 de Mr Robot qui est un faux plan séquence du début à la fin, mais on préfère le vrai de la saison 1 de True Detective. Long de six minutes, il donne une tension en plus à cette scène très impressionnante.
Mer6 pour cette publication, car elle est instructif. Personelement je ne pas encore une scene en un plan sequence, a l’ecole avec mes copain on a fait klk pratik la dessus mais en executer un, c’est tout un challenge, et j’adore ca.
Exercice très difficile à mettre en place, tout doit être chronométré à la seconde près et la moindre erreur nous oblige à tout recommencer. Mais quand c’est réussi, le plan séquence est vraiment quelque chose de grandiose.
Juste une petite critique: vous auriez pu mettre le plan séquence de « La Soif du Mal », d’Orson Welles, qui est tout bonnement ahurissant.
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Les plans séquence du film : « les fils de l’homme » sont les plus beaux et plus réussis de tous les temps selon moi. Un chef d’oeuvre, surtout celle dans la voiture, et le plan séquence lorsqu’ils courent dans la ville, évitant les tirs et cherchant refuge.
Ça m’a vraiment marqué et je me suis toujours demandé : comment ont-ils fait pour réaliser des plans séquence aussi bien faits, sans bavure et aussi longs
Si tu regarde bien le plan séquence de la voiture,tu remarqueras que ce n’en est pas vraiment un. C’est en fait plusieurs plans qui sont montés comme un seul et grâce au raccord de mouvement de caméra, on à la sensation que c’est plan séquence de plusieurs minutes. C’est quasiment imperceptible mais quand on l’analyse, on s’en rend compte. Enfin, ça n’enlève rien au génie de Cuaron
Merci beaucoup pour cet article, très instructif !
Simplement, il est dommage que le lien pour le plan-séquence de Old Boy ne s’affiche pas (lien mort certainement). Et puis les plans-séquences peuvent entrecoupés de quelques autres plans (comme on peut le voir dans les extraits), la définition n’est donc pas tout à fait exacte – mais qu’est-ce qu’on s’en fout ? me direz-vous.