Le crowdfunding, c’est quoi ?
Le crowdfunding, ou financement participatif en français, fait partie de ce qu’on appelle de manière générale l’économie participative ou collaborative. C’est ce principe selon lequel vous êtes plusieurs à participer financièrement ou matériellement à l’utilisation d’un même produit ou la construction d’un même service. Vous connaissez sûrement les jardins partagés, où chacun plante et récolte ; le covoiturage, où plusieurs personnes payent pour une même voiture, mais aussi les locations d’hébergements, où plusieurs personnes habitent à tour de rôle un même lieu (comme airbnb). Le crowdfunding c’est donc un financement à plusieurs, on va appeler des personnes extérieures au projet à venir nous aider, cela peut être dans tous les domaines ; par exemple un appel au don, un prêt, un investissement, que ce soit pour les projets associatifs, pour les personnes qui ont besoin d’une opération coûteuse, mais aussi pour les projets artistiques ; le cinéma, ce dont nous allons parler ici. En effet, un grand nombre de projets audiovisuels courts, comme les courts-métrages font appel au financement participatif, pour financer partiellement ou totalement un projet. Pour cela, il y a plusieurs façons :
- Le don, qu’il soit financier (somme d’argent) ou en nature (un projecteur, tourner en tant qu’acteur …)
- Un prêt gratuit ou rémunéré, vous allez donc investir et récupérer votre argent une fois que celui-ci sera rentable
- Des investissements, par l’achat d’actions ou d’obligations, ce qui vous permettra de gagner un certain pourcentage sur la rentabilité du film
Pour l’anecdote, la première campagne de crowdfunding s’est faite à la radio pour le financement d’un film. Il s’agissait du premier film de John Cassavetes, Shadows, qui a été fait à l’improviste grâce à une collecte de fonds lancée sur la chaîne Night People à 1h du matin une nuit en 1958. Le réalisateur a affirmé que si chacun contribuait d’un dollar, ils pourraient construire ensemble un film libre et indépendant, ‘’financez un film qui vous ressemble’’ avait-il dit. Le lendemain, il a reçu plus de 2 milles dollars. Le financement participatif n’est donc pas né avec Internet comme beaucoup le croit, mais en effet son utilisation s’est démocratisée ces dernières années, notamment grâce à cet incroyable outil qu’est Internet.
Désormais, il existe plus de 500 applications à travers le monde, en 2020, c’est plus de 34 milliards de dollars qui ont été collecté, dont plus de 5 milliards en Europe. Le crowdfunding est donc une formidable opportunité pour le cinéma indépendant de contourner le système classique de financement.
Mon retour d’expérience et avis
Pour mon deuxième court-métrage Entrevue, j’ai financé moi-même la production. Cependant, contrairement à mon premier film que je n’avais envoyé qu’à quelques festivals (et pour lequel j’ai décroché une sélection à OFF Courts, chose rare pour une auto-production), j’ai décidé de faire une vraie campagne d’envoi à des festivals en France et dans le monde. Et soyons réalistes, cela représente un certain budget (voir l’article dédié aux festivals de court métrages et plateformes d’inscription).
J’ai fait le choix de Kickstarter (voir plus bas), et en quelques semaines, j’ai pu collecter 1166€. Chose surprenante, j’ai même eu un don de 300€ d’un inconnu, comme quoi ce ne sont vraiment pas que les proches qui donnent ! Cela a permis de financer une bonne partie des inscriptions aux festivals que j’ai eu à faire. Grâce à cette campagne de crowdfunding, Entrevue a été sélectionné dans 19 festivals dans le monde, et montré à des centaines de spectateurs.
Les différentes plateformes
Les plateformes de crowdfunding comme nous l’avons dit sont très nombreuses. Il y a des plateformes spécialisées pour le cinéma et d’autres plus généralistes que vous pouvez utiliser pour n’importe quelle campagne.
- Touscoprod lancée en 2009, cette plateforme de crowdfunding est la première entièrement et spécialement dédiée au financement de contenus audiovisuels, son lancement a même été soutenu par le ministre de la Culture en 2012. Grâce à cette plateforme vous recevez même un accompagnement qui vous permet de réussir au mieux votre campagne, avant, pendant et un suivi après. Selon eux, plus de 85% des campagnes atteignent leur objectif de dons. Nicolas Bailley, à l’initiative de ce projet déclare : « Touscoprod part de la même idée : offrir aux réalisateurs un moyen simple et facile de financer leur projet et au grand public, de soutenir des projets et de s’investir dans leur réalisation. Une manière d’ouvrir le monde du 7ème Art aux amateurs du cinéma » . Le montant minimum est de 15 dollars pour soutenir un projet !
- Kickstarter, aussi lancé en 2009, est une entreprise américaine, précurseur des plateformes de crowdfunding. C’est une société à finalité sociale, c’est-à-dire qu’elle a un but lucratif tout en ayant une volonté sociale et environnementale. Après sa création, le site se développe très rapidement aux Etats-Unis, deux après sa création c’est déjà plus de 7 milliards de dollars qui sont investis et plus de 2 000 projets créés chaque mois. Le TIME fait même des revus du site en le classant parmi les meilleures inventions de l’année. Mais Kickstarter ne voit le jour en France qu’en 2015, et dans quelques autres pays européens la même année, dont la Belgique. C’est une plateforme généraliste, on peut retrouver sur son site beaucoup de projets très différents, il y a plusieurs catégories : Art, BD et illustrations, Cinéma, Design et technologie, Musique, Jeux, Gastronomie et créations, Edition. Le cinéma et la musique sont les catégories les plus importantes car elles représentent la moitié des projets sur le site et la moitié des levées de fonds. Le fonctionnement est assez simple, le créateur poste son projet, fixe une somme à atteindre et définit les récompenses en fonctions des dons. Il peut inscrire son projet dans les catégories disponibles. C’est un système tout-ou-rien, c’est-à-dire que si l’objectif est atteint, les donateurs seront débités et recevront leur récompenses, mais s’il n’est pas atteint le prélèvement n’aura pas lieu et le créateur ne recevra rien. Mais restons positive, cette plateforme n’a pas volé son succès !
- Ulule est une plateforme française créée en 2010, elle est un des incubateurs de ce genre de plateforme. Près de 30 000 projets ont vu le jour grave à une campagne participative sur leur site, c’est désormais une communauté de plus de 3 millions de membres. Depuis 2015, Ulule est une entreprise B corps, elle détient ce label pour son impact positif sur la société et l’environnement. Beaucoup de partenaires ont rejoint la communauté comme par exemple Veolia, Contrext, BNP Paribas. Ulule brands a pour vocation d’intégrer encore plus les marques non plus comme partenaires ou sponsors mais comme acteurs dans une démarche solidaire et participative, ainsi ils ont travaillés avec les Galeries Lafayette. Ulule s’adresse aux projets en tout genre, de l’audiovisuel à la création musicale en passant par le patrimoine, la solidarité ou l’entrepreneuriat. Si vous cherchez une entreprise qui ne cesse d’évoluer, vous avez trouvé la bonne !
- KissKissBankBank a été créé en 2010, sur le même modèle collaboratif que ses concurrents. Cette plateforme française, qui fait partie du groupe La Poste, est la principale utilisée en Europe. Face à son succès et avec le temps, l’entreprise a développé d’autres projets liés comme Lendopolis qui permet d’investir dans les énergies renouvelables et toucher des intérêts, Gooded qui facilite les dons pour les ONG ou encore La maison du crowdfunding qui propose des ateliers, marchés, conférences, talks autour du crowdfunding. Désormais, Kiss Kiss Bank Bank revendique une Kiss Kiss Family tant ils sont d’acteurs et de partenaires, dont Naturalia, Princesse Tam Tam ,Les petits frenchies, ou Les ateliers de Paris pour n’en citer que quelques-uns. La plateforme soutient particulièrement la presse indépendante car ‘’Nous vivons une période où la plupart des journaux sont contrôlés par des grandes puissances financières. Quand on veut créer, lancer une aventure de presse indépendante, il faut s’adresser aux lecteurs qui sont les vrais propriétaires des journaux.’’. Mais Kiss Kiss Bank Bank sont ouverts à tous les projets, vous trouverez une multitude de catégories et sous catégories, dont celle qui nous intéresse : films et vidéos. Avec une communauté de plus de 2 millions de personnes, vous avez toutes vos chances d’atteindre votre but !
- Crowd’in est une plateforme très récente, née en 2015 en Belgique. Son fonctionnement repose sur deux points ; tout d’abord les dons avec et sans contreparties comme les plateformes précédentes, ce qui permet de soutenir beaucoup de projets notamment culturels et créatifs, mais il y a aussi des prêts participatifs et des investissements pour aider les PTE et PME à se développer, tout en permettant aux contributeurs de diversifier leurs placements et de générer des revenus. Ici, l’intérêt est double, ce n’est plus seulement participer à un projet pour le bien collectif (ce qui est déjà beaucoup) mais c’est aussi inciter les entreprises qui investissent avec un intérêt financier. Pour ne pas vous laisser dans le flou, Crowd’in propose elle aussi un accompagnement personnalisé pur aider votre projet, quel qu’il soit à voir le jour. Ses valeurs reposent d’ailleurs sur la confiance, la compétence, la co-création et la collaboration. Cette plateforme moderne et innovante à tout pour elle !
Do’s and don’ts des campagne de crowdfunding
Avant de vous lancer corps et âme dans votre campagne, il y a quelques choses à faire et à éviter, voici une liste (non-exhaustive)
- Avant toutes choses, il est impératif de communiquer sur votre campagne avant de la commencer. Sinon personne ne sera au courant et vous n’aurez pas de dons ! Commencer par créer, avertir et fédérer votre communauté.
- Préparez vous minutieusement : présenter clairement votre projet pour séduire les internautes, un visuel (moodbord, affiche, photos, vidéo …) peut largement vous aider. Si vous avez déjà votre synopsis, n’hésitez pas à le mettre dans votre campagne, ainsi que tous vos collaborateurs. Indiquez aussi votre but : pourquoi réalisez-vous ce film ? A qui s’adresse-t-il ? Comment allez-vous le réaliser ?…
- Soyez transparent dans le budget que vous demandez : expliquez pourquoi vous avez besoin de cette somme, car le budget doit être réaliste si vous voulez créer une communauté autour de votre projet. Vous pouvez même axer votre demande de financement sur un aspect, par exemple les costumes, les décors, ou encore le matériel. Attention à ne pas demander des sommes astronomiques.
- Vous pouvez mettre en place des contres parties en fonction de la somme donnée, plus la contrepartie sera intéressante pour tel ou tel montant, plus le donneur sera tenté d’augmenter son budget, réfléchissez-y bien ! Les avantages peuvent être des invitations aux avants premières, des places de cinéma, des invitations aux tournages etc…
- Communiquez régulièrement pendant votre campagne, vous avertirez ainsi vos donateurs et aurez plus de visibilité pour toucher d’autres internautes. 90% des financements proviennent des réseaux sociaux, alors à vos comptes Facebook, Twitter et Instagram !
- La durée de la campagne a aussi son importance, elles durent en moyenne 9 semaines. Il est estimé que les campagnes qui récoltent 30% de leur budget la première semaine ont plus de chance d’aboutir à leur objectif
Evidemment, vous n’êtes pas obligé de respecter cette liste à la lettre, ce ne sont que des conseils ! De plus, comme évoqué plus haut, certaines plateforme offre un accompagnement, si vous avez peur de vous perdre en chemin n’hésitez pas à les privilégier.
Quelques exemples de projets réussies
Le premier exemple remarquable est celui du film du Michèle Laroque, Jeux Dangereux. L’actrice propose en 2013 ‘’et si on faisait un film ensemble ?’’ et ouvre le film à des coproducteurs de tout horizon sur la plateforme touscoprod. Dès 1€ de participations, les donateurs ont droit à des avantages exclusifs, comme des avant-premières, séances privées etc… c’est une première dans le cinéma français et également un franc succès car plus de 420 mille euros sont récoltés, soit 10% du budget total du film, auprès de presque 1 800 personnes. Michèle Laroque marque l’histoire de ce film en voulant intégrer les spectateurs dans la réalisation du film et ainsi créer une communauté.
Autre exemple très intéressant ! En 2012, le réalisateur américain lance une campagne collaborative sur Kickstarter pour son court métrage Innocente. Plus de 50 000 dollars récoltés, soit un peu plus que le nécessaire, grâce à 300 donateurs. Ce qui permet à ce film d’être sélectionné aux oscars et de gagner l’oscar du meilleur court-métrage documentaire en 2013. Une grande première pour Kickstarter qui réussit à s’immiscer à cette prestigieuse cérémonie
Et pour finir, un exemple certes un peu ancien mais marquant, car il témoigne d’une vraie tendance sociétale du crowdfunding ! En 2008, la campagne de Barack Obama a en partie été financée par le grand publique. C’est un évènement unique au monde car ce ne sont pas les sociétés ou les riches investisseurs qui ont contribué mais bien les électeurs de l’ancien président ! Il a su fédérée une telle communauté si bien que des centaines de citoyens ont participé à sa campagne MyBO à hauteur de 80 dollars en moyenne, pour un total de plus de 150 millions de dollars . Face à ce succès, il réitère l’opération en 2012 et il est imité par d’autres politiques depuis.