Cela faisait un petit moment que je n’avais pas pris le temps de vous présenter un livre de cinéma. Je me rattrape aujourd’hui, non pas avec un essai sur le métier de réalisateur, mais avec un recueil d’anecdotes de l’un des réalisateurs français actuels les plus talentueux : Jean Pierre Jeunet. Dans l’ouvrage « Je me souviens… 500 anecdotes de tournage« , le cinéaste revient, avec l’humour et la franchise qui lui sont propres sur sa carrière et ses films.
La présentation du livre par son auteur
Je me souviens.
Je me souviens de quoi ?
Ah oui, je me souviens que l’éditeur de ce présent ouvrage m’a demandé d’écrire un petit texte de présentation.
Sachant que l’éditeur n’est autre que le jeune frère de l’auteur (onze ans de différence), l’auteur se souvient de pas mal de trucs, dont celui-ci :Quand l’éditeur avait cinq ans, j’en avais donc seize.
Je me souviens que j’organisais des compétitions de pénos. Chacun à son tour dans les buts. Le premier qui arrive à dix. Mon truc, c’était de mener genre 7-0. Puis de le laisser me remonter, voire me dépasser. Donc à 8/7 pour lui, je repasse devant… 9/8… balle de match… Et finalement il gagne ! Il ne s’est jamais rendu compte de rien, et je n’ai jamais osé lui avouer la vérité. Je sais ce texte va être un choc.En même temps, on s’en fout un peu, puisque les “Je me souviens” parlent de cinéma.
Par exemple, souvenirs de Delicatessen, l’histoire passionnante d’un boucher dont le lit grince. La Cité des enfants perdus, où l’on apprend qu’il est sain de laisser les enfants roter après avoir mangé du cervelas. Alien, resurrection, drame œdipien, Amélie Poulain, l’histoire d’un nain de jardin qui mange des framboises au bout de ses doigts, si je me souviens bien. Encore que.
Bref, plus de 500 “Je me souviens” plus sérieux que ceux-ci. Encore que…
Mon avis sur le livre
Avant de découvrir le cinéaste on découvre l’homme. L’enfant plus exactement. L’enfant qui devient cinéphile. Et le monde dans lequel il vit. Très différent du notre mais aussi assez éloigné de « son univers ». Un décalage qui va nourrir son inspiration et fortement se retrouver dans ses films, avec des personnages eux aussi en marge des « gens normaux ».
Le livre n’est pas forcément chronologique pour autant, puisqu’après il bascule sur les pubs et accorde une grande part à la pub Chanel tournée avec Audrey Tautou dans les années 2000, bien après ses débuts dans le métier.
Puis on passe à ses films dans l’ordre chronologique. Et c’est là que le recueil d’anecdotes sympathiques mais justement trop… anecdotique devient intéressant pour tout apprenti réalisateur et même passionnant pour un fan de Jean-Pierre Jeunet.
Outre de nombreux conseils pratiques sur la mise en scène à proprement parler, on découvre sa relation de travail avec les comédiens, son fonctionnement pour écrire, pour préparer un film, ses habitudes de tournage. Il n’hésite pas non plus à aborder ses difficultés, sans langue de bois et sans rejeter la faute sur les autres.
Enfin, on apprends qu’il ne porte pas du tout dans son coeur le tristement célèbre et puissant producteur Harvey Weinstein avec qui il a été amené à travailler à de multiples reprises.
Quelques extraits
A propos de Gérard Depardieu : Dès le second jour, quand j’ai voulu commencer à fignoler un plan, il n’a pas pu s’empêcher de me dire : « Ah ça y est, il va sortir la boite à enculer les mouches « …
A propos de sa collaboration avec Chanel : J’ai apporté deux idées. La seconde est vendue très facilement. Je dis à M. Wertheimer, le propriétaire de Chanel : « Tout de même, il va falloir vous faire un devis. » Je me souviendrai toujours de sa petite moue signifiant : » ça ne sera pas un problème… »
A propos d’Alien : Pendant la réalisation du story-board, je m’étais fixé comme principe de trouver une idée personnelle par séquence. C’était ma manière de m’accaparer le film.
Tous les réalisateurs avec qui j’ai sympathisé à Hollywood étaient comme par hasard des expatriés (Atom Egoyan, Danny Boyle, Roland Emmerich, John Woo, Wim Wenders, Luc Besson, Lee Tamahori, Rober Rodriguez, Simon West).
A propos d’Un long dimanche de fiançailles : Profitant de nombreuses grues du tournage, j’ai fait des plans aériens du champ de bataille et des trous d’obus. Selon certains théoriciens, c’est un sacrilège car la caméra doit représenter le point de vue de quelqu’un. {…} disons celui du poète.
Infos complémentaires
Livre publié aux Editions Lettmotif
260 pages, 500 anecdotes, 15 illustrations
Prix : 18€ TTC
Disponible sur Amazon