Le réalisateur John Cameron Mitchell a partagé son expérience et ses conseils lors d’une masterclass.
Réalisateur au style déganté et imposant, aussi sulfurant que marqué, John Cameron Mitchell revient bientôt au cinéma avec le film How to Talk to Girls at Parties, en avant-première au Champs Elysées Film Festival. Pour l’occasion, le réalisateur « rock/queer » a partagé conseils et expériences lors d’une masterclass aussi intéressante que passionnante.
Quand est née votre envie de raconter des histoires ?
En tant qu’adolescent j’ai déménagé tellement de fois qu’il fallait sans cesse que je m’adapte, que je change d’accent. J’avais l’impression de jouer et je devais à chaque fois changer d’identité, et ça a participé à mon envie de raconter des histoires. Aussi, ma mère était une artiste donc elle m’a vraiment encouragé à faire du théâtre, et l’un de mes premiers rôles à l’école catholique était la vierge marie. C’était un musical !
Faire son premier film en étant devant et derrière la caméra, c’est plutôt un sacré défi non ? Cela a-t-il été dur pour vous ?
A l’époque je n’avais pas vraiment d’intérêt pour le jeu, mais je pensais être le seul à pouvoir jouer ce rôle d’Hedwig, ce drag queen, dans Hedwig and the Angry Inch. Mais le fait de jouer et de chanter m’a permis d’évacuer la pression de la réalisation, et notamment le fait de chanter en direct. Je déteste quand dans les comédies musicales c’est en play-back sur le tournage !
L’histoire n’est vraiment pas commune, du coup est-ce que votre projet a été facile à produire et financer ?
Entre la fin des années 90 et le début de 2000, il y avait beaucoup de producteurs intéressés par le financement des premiers films. A la base c’était une pièce de théâtre qui avait un bon succès critique, et quelques célébrités m’avaient approché dans une sorte de guerre des enchères pour l’adaptation. Par exemple Forrest Whittaker voulait réaliser le film, je lui ai dit que je voulais le faire et il m’a dit que c’était une grave erreur. Tim Burton aussi, Danny DeVito voulait le produire…
A l’époque on a choisi de travailler avec New Line, dirigé par Bob Shaye qui s’occupait de la trilogie Seigneur des Anneaux, mais qui surtout avait réalisé dans les années 80 Elles craquent toutes sauf une, une comédie pour ados dans laquelle j’avais joué. On m’avait proposé un rôle d’homosexuel que je trouvais très mal écrit, avec toutes les vannes pourries sur les gays de l’époque. Je lui en ai parlé, il a accepté de m’écouter, et depuis on a décidé de retravailler ensemble. Douze ans plus tard, il était venu voir la pièce et m’a dit qu’il voulait la produire en me confiant la réalisation. J’ai beaucoup aimé ce respect qu’il avait, et même dans la frénésie du Seigneur des Anneaux il passait beaucoup de temps à m’aider mais le film s’est planté en salle. Ce n’est qu’en DVD que le film a trouvé son public, comme avec mes films suivants d’ailleurs ! Mais c’est une vraie chance de pouvoir jouir d’autant de liberté sur un premier film.
Est-ce qu’être un acteur rend la direction d’acteurs plus simple pour vous ?
C’est vrai que cela m’aide à parler aux autres acteurs et je pense qu’il ne faut jamais les considérer comme des marionnettes mais comme des partenaires, ne jamais leur dire de ne pas faire quelque chose mais toujours être positif, et entre les prises ne pas leur donner trop d’indications.
Dans Shortbus, les acteurs font vraiment des scènes très explicites et vont très loin (autofellation…). Comment on arrive à un tel niveau d’intimité avec eux ?
Parce que ça faisait deux ans et demi qu’on travaillait ensemble et croyait moi, personne n’a passé un bon moment ! Ça m’intéressait vraiment de jouer autour du sexe, et souvent je trouve que le sexe raté et plus intéressant que le sexe réussit.
Le financement d’un film comme ça serait-il encore possible aujourd’hui aux Etats-Unis ?
C’est vrai que la question serait extrêmement problématique parce que ça poserait la question de l’exploitation notamment des actrices féminines. Pour autant, c’est vrai que dans ce genre d’expérience artistique on pourrait faire face à une sorte de peur qui serait teintée de condescendance comme si on essayait d’interdire le sexe, qu’il soit artistique ou pas, et on l’impression que les personnes sont confrontées à leur propre peur du sexe.
Comment c’est passé votre travail avec Nicole Kidman dans How to talk to girls at Parties ?
On n’a pas eu beaucoup de temps pour répéter cette fois-ci contrairement à notre premier film ensemble, mais on fonctionne très bien ensemble. Elle me disait « tu vas dire les répliques comme si tu jouais le rôle et je vais t’imiter. ». Elle est vraiment très forte !