Il y a quelques jours, je suis parti à Londres pour quelques jours, pour la première mondiale de mon court métrage Entrevue. J’en ai profité pour visiter l’exposition dédiée à Stanley Kubrick au Musée du Design, vingt ans après le décès du cinéaste.
A peine rentré dans la première pièce, l’expérience est atypique. Il ne s’agit pas d’une simple exposition informative, mais à la manière des expositions de la Cinémathèque à Paris, il s’agit d’entrer en immersion dans l’oeuvre et l’art du cinéaste.
Cette exposition à la construction étonnante s’attarde autant sur le génie obsessionnel du grand réalisateur et ses méthodes de travail, que sur ses films. Après une première pièce que l’on pourrait qualifier d’introductive, l’exposition nous transporte progressivement dans l’œuvre de Kubrick, film par film, avec des ambiances sonores, des extraits, des photographies, citations et autres objets.
Une grand part est accordée à la production artistique, des décors aux costumes en passant par les accessoires, comme le labyrinthe de The Shining et le voyant rouge de Hal dans 2001. Malgré ce parti pris en phase avec la thématique du musée, jamais le cinéma et la démarche de Stanley Kubrick ne sont mis de côté. Certes, vous n’aurez pas forcément plus d’informations sur les budgets des films ou l’écriture de scénarios. En revanche, l’idée est vraiment de comprendre, à travers la production artistique, le travail de centaines de collaborateurs, comment le réalisateur a pu donner vie à ses films tels qu’il les voulait.
Tous les films de Stanley Kubrick
Vous avez probablement déjà entendu de nombreuses anecdotes autour du cinéaste. L’exposition va au-delà et prend les allures d’archive ultime de Kubrick. Chaque film, dans un ordre non chronologique, a le droit à une salle dédiée, plus ou moins grande selon les contenus proposés et la réputation du film.
Outre les costumes et autres accessoires, on retrouve des lettres de collaborateurs et de Stanley Kubrick lui-même, ainsi que de nombreuses notes que le cinéaste a rédigées lors de ses périodes de préparation de films. On retrouve notamment le classeur dédié à son film Napoléon, qu’il n’aura finalement jamais l’occasion de réaliser malgré des années de travail préparatoire.
L’attention portée aux détails est assez hallucinante – Comme si les organisateurs avaient le même perfectionnisme, la même exigence des détails que Kubrick lui-même. On peut tout de même voir un certain « classement thématique » des oeuvres tout au long de l’exposition. Ainsi, « Lolita », « Orange mécanique » et « Eyes Wide Shut », ses films les plus sulfureux, se font suite, tandis que « 2001: l’odyssée de l’espace » constitue le clou du spectacle, comme un regard final, définitif, sur l’oeuvre du cinéaste ainsi qu’une ouverture vers le futur.
C’est un paradis pour les cinéphiles, vous l’aurez bien compris, mais aussi pour les amateurs de design. Les collaborations pionnières de Kubrick avec le graphiste Saul Bass et le scénographe Ken Adam, par exemple, sont mises en avant afin de mieux percevoir le processus collaboratif qu’est la création d’un film. On apprend notamment comment Stanley Kubrick, très attaché à Londres et la liberté que cet éloignement d’Hollywood lui offrait, a reconstitué New York ou encore le Vietnam dans la capitale anglaise pour réaliser ses films.
Pour Full Metal Jacket, Kubrick a voulu transformer une partie de Londres en ville vietnamienne, à l’aide de 200 palmiers et plus de 100 000 plantes tropicales en plastique. Le camp d’entraînement, quant à lui, a été reconstitué à partir d’une caserne de l’armée et d’un aérodrome abandonné à Enfield.
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Les méthodes de Stanley Kubrick
La première étape de la préparation a toujours été de faire beaucoup de recherche. Le réalisateur passait des années à se plonger dans un sujet jusqu’à ce qu’il connaisse tous les détails de ses personnages, et des événements de son intrigue. Pour rappel, Kubrick s’est quasiment toujours appuyé ses des oeuvres existantes, des romans, en vue de réaliser un travail d’adaptation pour le cinéma, quitte à sa fâcher avec l’auteur de l’oeuvre originale comme Stephen King sur Shining.
Comme nous l’apprend l’exposition, cet aspect perfectionniste a pu jouer des tours à Kubrick, créant des tensions avec ses collaborateurs. Pour Dr Strangelove il a même été suspecté d’espionnage à cause de la précision de ses connaissances sur l’intérieur des avions ! La minutie sans compromis de Kubrick a rendu beaucoup de ses collaborateurs fous, mais la plupart ont aussi accepté de le suivre dans ce processus parce que cela valait généralement la peine pour la qualité du produit final.
Conclusion
Tout au long de l’exposition, nous avons une idée réelle du travail et de la personnalité du réalisateur et du contrôle minutieux qu’il a exercé sur ses films, dès la préparation. Pour profiter pleinement de l’expo, prévoyez au moins deux heures. Personnellement, j’ai fait le tour deux fois, pour être sûr de ne rien avoir raté qui pourrait m’intéresser.
‘Kubrick Exhibition’ est proposée au Design Museum de Londres jusqu’au 15 septembre 2019. Plus d’infos sur le site officiel.