Entre définition, utilités et exemples diverses, présentons une notion de base de la mise en scène et du scénario : l’ellipse est un outil terriblement efficace.
Il existe bien des notions de mise en scène devenues tellement banales aujourd’hui que l’on n’y fait même plus attention, sauf si c’est d’une qualité rare et d’une imagination nouvelle. Dans ces cas-là, impossible de passer à côté et ils resteront comme des exemples intemporels auxquels tout le monde va penser quand on évoque telle notion de mise en scène, notion pourtant utilisée par tout le monde. Parmi celles-ci, il y a bien évidemment l’ellipse.
Définition de l’ellipse
Tout le monde sait ce qu’est une ellipse normalement. Avant d’être une notion pouvant se rapporter au cinéma, c’est avant tout un terme en rapport avec la langue et la littérature, qui va consister en un manque ou un saut dans le temps. Et bien au cinéma, c’est exactement la même chose. L’ellipse c’est le néant, ce qui n’est pas. C’est le fait de passer d’un moment à un autre sans savoir, ou tout du moins sans voir ce qui se passe entre les deux. Plus simplement, c’est faire une avancée dans le temps. Elle peut être de quelques minutes ou plusieurs années, voir plusieurs siècles !
Jusque-là, je n’ai dû vous apprendre que peu de choses, car c’est une notion très connue et visible absolument de partout. Tout au mieux vous ne connaissiez pas le terme, mais que ce soit les BD, les jeux vidéo, les romans ou n’importe quel autre médium utilisant la narration, il y a des ellipses. Lire par exemple « deux semaine plus tard », c’est une ellipse.
Pour cette fois, nous allons nous concentrer plus spécifiquement sur la notion d’ellipse au cinéma. En effet, si la notion basique de saut dans le temps, il peut y avoir plusieurs utilités à cette dernière. Surtout, elle est bien souvent aussi essentielle pour le scénario que pour la mise en scène.
Utilité de l’ellipse dans les films
La première utilisation d’une ellipse est forcément la plus évidente : il va s’agir de rythmer son scénario. Ainsi, si des personnages prennent un avion, aucune utilité de les voir monter à bord, s’installer, ranger leur valise, puis atterrir, attendre que leur bagage arrive… non, à la place on coupe cette séquence et on passe à la prochaine action utile. Et cela vaut pour chaque action absolument inutile à l’intrigue ou à l’ambiance du film. Car il n’y a jamais que l’intrigue qui compte ! Très souvent, c’est lors de l’écriture du scénario que les premières ellipses apparaissent. Ensuite, lors du montage, de nouvelles coupes pourront être faites et elles amèneront d’autres ellipses, mais attention à ne pas perdre en cohérence !
Une autre utilité à l’ellipse va être de simplement faire écouler une très longue période de temps, pour faire une avancer vers un nouveau temps de l’action. L’un des exemples les plus vus va par exemple être quand Harry est déposé bébé devant les Dursley puis qu’on le retrouve âgé de 10 ans dans Harry Potter à l’école des sorciers. Les deux moments sont importants, mais entre les deux, non. Un autre exemple qui va sans aucun doute être l’une des ellipses les plus reconnues et réussies du cinéma, c’est celle dans 2001 l’odyssée de l’espace, quand au début du film l’os est jeté en l’air et devient un satellite. On est alors passé de la préhistoire à une époque future.
Ellipse dans le film 2001 : L’Odyssée de l’espace
Surtout, l’ellipse est un outil très pratique à la construction d’une intrigue, et à la mise en scène dans différentes situations. En effet, une ellipse va aussi permettre de faire passer sous silence des éléments qui ne sont pas anodins pour provoquer des réactions chez le spectateur.
L’ellipse va également très souvent servir à suggérer sans montrer, laissant le spectateur imaginer, et ainsi donner une force nouvelle à certaines scènes. On sait ce qui s’est passé, mais on ne le montre pas directement afin d’amplifier l’action. Par exemple dans Mad Max, quand au début le couple se fait violer, ils sont retrouvés après par des policiers. La femme est effrayée et l’homme fuit avec l’anus en sang. On sait ce qui s’est passé, mais il y a eu une ellipse pour ne pas nous le montrer et seulement nous le suggérer.
Ellipse dans Mad Max de George Miller
Une autre utilité de l’ellipse en lien avec l’imagination du spectateur, c’est de simplement laisser libre cours à cette dernière, sans donner de réponse affirmative. Par exemple sur la mort d’un personnage ou non. Cette fois, ce n’est pas suggéré comme précédemment, il n’y a simplement aucune information certaine.
Une ellipse va également pouvoir permettre de laisser des éléments dans l’inconnu pour y revenir plus tard, créant ainsi du suspense. L’exemple par excellence, qui a pris cette idée et a presque construit tout un film autour, ça va être Memento, et ses multiples allers et retours dans le temps.
Enfin, il se peut qu’une ellipse ne connecte pas directement les deux scènes, mais qu’elle soit perceptible malgré tout. Cela est évidemment très utilisé quand il y a plusieurs trames scénaristiques, comme dans les deux derniers volets du seigneur des anneaux, qui enchaine les intrigues de Merry et Pippin, de Sam et Frodon, et du reste de la communauté.
Il convient de noter avant de finir une particularité du cinéma avec l’ellipse : au cinéma il est possible de montrer une ellipse, le temps qui passe. Il va alors y avoir un time laps, et cela peut figurer un changement de saison, de l’expérience, ou n’importe quelle autre raison qui est utile au réalisateur et à sa mise en scène. Par exemple, quand une horloge tourne lors d’un l’examen pour signaler le temps qui passe très vite aux yeux du héros. On est plus exactement dans l’ellipse pure, mais cela reste malgré tout de même très proche.
La grande force de l’ellipse va ainsi être non pas de montrer, mais de suggérer, et ce faisant, cela développe l’imagination du spectateur envers son film.
