Stephen King : Ecriture, mémoires d’un métier

Nous poursuivons nos conseils sur l’écriture en nous tournant vers une source un peu plus inhabituelle et pourtant une référence mondiale en terme d’écriture… L’auteur de nouvelles et romans fantastiques Stephen King, dont plusieurs œuvres ont été adaptées à l’écran, en film d’horreur notamment.

Ici, « Carrie au bal du diable » (1976), premier roman de Stephen King, adapté au cinéma par Brian De Palma

Il ne s’agit pas d’un auteur de scénarios à proprement parler, même s’il s’est impliqué dans l’écriture de certaines adaptations. Toutefois, Stephen King est également un amateur de films et séries et ses conseils peuvent s’avérer précieux. Au début des années 2000, il s’est lancé dans l’écriture d’un livre sur l’écriture et sur sa carrière, sobrement (ou pas) intitulé « Stephen King : Ecriture, mémoires d’un métier« .

Résumé du livre

Quand Stephen King se décide à écrire sur son métier et sur sa vie, un brutal accident de la route met en péril l’un et l’autre. Durant sa convalescence, le romancier découvre les liens toujours plus forts entre l’écriture et la vie.

Résultat : ce livre hors norme et génial, tout à la fois essai sur la création littéraire et récit autobiographique. Mais plus encore révélation de cette alchimie qu’est l’inspiration. Une fois encore, Stephen King montre qu’il est bien plus qu’un maître du thriller: un immense écrivain. La vie n’est pas faite pour soutenir l’art. C’est tout le contraire.

Mon avis sur le livre

La couverture de son autobiographie

Avant toute chose, je tiens à rappeler qu’il ne s’agit pas d’un livre sur l’écriture de scénarios. Ce n’est pas dans ses pages que vous allez apprendre comment fonctionne la structure d’un scénario. D’ailleurs, contrairement à beaucoup de livres sur l’écriture, celui-ci a une « promesse » hybride. C’est à la fois un essai, mais aussi une autobiographie. Et comme la biographie de David Lynch, celle-ci est très intéressante pour un apprenti auteur / cinéaste, même si Stephen King est écrivain. Je pense qu’il est très enrichissant de lire des biographies ou textes de personnalités ayant réussi dans le domaine que l’on vise. On comprend assez vite que ce n’est pas la chance qui les a placé là, mais une volonté considérable.

Quelques extraits du livre

« Quand on écrit une histoire, on se la raconte. Quand on se relit, le gros du travail consiste à enlever tout ce qui ne fait pas partie de l’histoire. »
John Gould

Ce conseil a été donné à Stephen King par John Gould, rédacteur en chef d’un hebdomadaire local pour lequel l’auteur a signé ses premiers articles. Pourquoi cela m’a-t-il paru important ? Tout simplement car beaucoup d’auteurs de scénarios, notamment parmi les débutants, ne se rendent pas compte que l’écriture d’un texte ne s’arrête pas à la première version. Le travail de relecture / réécriture est essentiel pour affiner le texte et le rendre meilleur, plus incisif, plus juste.

« Le système de défense Hemingway peut se décrire ainsi : en tant qu’écrivain, je suis quelqu’un d »hypersensible, mais je suis aussi un homme, et les vrais hommes ne se laissent pas dominer par leur sensibilité. »

Comme Hemingway et plein d’autres artistes, Stephen King s’est laissé submerger par la consommation d’alcool et de drogues, développant le sentiment que ça lui était indispensable pour travailler. Bien sûr, ce n’est pas le cas, et si l’écriture fait effectivement ressortir des émotions parfois douloureuses, il y a plein d’autres méthodes, nettement plus saines, pour digérer cela : méditation, sport, sexe, rire…

« Certains écrivains disposent d’un vocabulaire gigantesque : ce sont des types qui savent manipuler des termes comme dithyrambe, conchyologie ou splendeur ombombrée {…}. D’autres écrivains utilisent un vocabulaire plus étroit et plus simple.

Stephen King, dans son livre, analyse le travail de différents auteurs et démontre que les meilleurs peuvent avoir des styles très différents. Il donne d’ailleurs un très bon exemple avec un extrait du livre Les raisins de la colère de John Steinbeck.

 » « Certains des hommes du propriétaire étaient bienveillants parce qu’ils avaient horreur de ce qu’ils avaient à faire, certains étaient très en colère parce qu’ils avaient horreur d’être cruels, et certains étaient froids parce qu’il avaient découvert depuis longtemps qu’on ne pouvait, sinon, être propriétaire. »
La phrase de Steinbeck est particulièrement intéressante. Elle compte 50 mots. Sur ces 50 mots, 39 sont monosyllabiques. Sa structure est complexe ; son vocabulaire, en revanche, est pratiquement celui d’un livre de lecture de cours préparatoire. »

L’important est que vous soyez clair, peu importe votre style. Faire des phrases très complexes, très littéraires, n’est pas toujours justifié dans la littérature, alors imaginez dans un scénario. L’objectif d’un scénario, en tout cas en amorce de projet, est de convaincre, séduire des lecteurs. La simplicité de lecture et l’efficacité sont donc souvent plus pertinentes qu’un style littéraire trop poussé.

« Quant à ceux qui sont vraiment incapables de maîtriser la grammaire – comme je suis incapable de maîtriser certains riffs et changements de tons à la guitare – ce livre n’est pas fait pour eux »

Stephen King peut sembler dur dans ce passage, mais il a raison. L’écriture n’est pas pour tout le monde. C’est déjà assez compliqué lorsque vous n’êtes pas très à l’aise avec l’orthographe, même si vous pouvez bénéficier de l’aide de proches. Si vous n’avez pas un minimum de pré-requis en grammaire et en écriture, il y a très peu de chances que vous franchissiez le palier nécessaire pour envisager d’être professionnel. Plus concrètement, si vous voulez être réalisateurs et que vous ne savez pas écrire, ne vous forcez pas à rédiger des scénarios. Trouvez des collaborateurs, des personnes avec les compétences que vous n’avez pas et dont vous avez besoin pour mener à bien votre projet.

« J’aime bien rédiger dix pages par jour, ce qui équivaut à deux mille mots, soit 80 000 sur une période de trois mois ; {…} Certains jours, ces dix pages me viennent avec facilité ; à 11h30, je suis déjà dehors, {…} Parfois, lorsque ça ne vient pas, j’y suis encore à l’heure du thé. Peu m’importe, en réalité. Ce n’est que contraint et forcé par les circonstances les plus extrêmes que je m’autorise à m’arrêter avant d’avoir mes 2000 mots. »

Comme beaucoup d’artistes, Stephen King insiste sur la discipline, la routine et le cadre, qui sont des facteurs essentiels pour réussir à avancer. Le talent est une chose toute relative, même si d’une certaine manière, il existe réellement. (Personnellement je préfère parler de sensibilité). Certaines sensibilités trouveront effectivement leur épanouissement dans l’écriture, mais pour réellement devenir professionnel, ce sont le travail, la rigueur et la volonté qui seront essentiels.

« Vous pouvez m’expliquer, via la narration, que votre personnage principal – disons Mitsuh Butts – n’a pas été un bon élève et même n’a pas beaucoup fréquenté l’école ; vous pouvez cependant aussi me le faire comprendre, et de manière beaucoup plus vivante, par la manière dont il s’exprime… et l’une des règles d’or de la bonne fiction est de ne jamais expliquer quelque chose que l’on peut montrer. »

Lors de votre relecture, pour chaque dialogue, posez vous la question de savoir si vous ne pouvez pas communiquer votre idée autrement, notamment par l’image. Encore une fois, cela vous aidera à gagner en fluidité, en impact, en simplicité et en efficacité.

Inutile d’annoncer qu’un personnage devient fou quand ses actes parlent d’eux-mêmes

« Au printemps de ma dernière année à Lisbon High, soit en 1966, j’eux droit à un commentaire griffonné qui changea une fois pour toutes ma manière d’aborder la deuxième mouture. Juste à côté de la signature reproduite à la machine du directeur littéraire, il y avait ce mot : « pas mal, mais poussif. Relisez-vous pour resserrer. La formule : Version 2 = Version 1 – 10%. Bonne chance. »

Stephen King évoque ce que vous diront la plupart des script doctors ou lecteurs : le rythme est essentiel. Cela marche pour un livre, pour un film, et même pour un scénario. Il m’est arrivé de couper des pavés de dialogues d’un scénario pour que celui-ci gagne en rythme. Certains de ces dialogues étaient supprimés pour de bon, tandis que d’autres étaient supprimés pour la lecture, mais pourraient réintégrer, plus tard, le film, au moment du tournage (souvent pour être de nouveau « sacrifiés » au montage).

Commandez le livre

Si vous voulez aller encore plus loin, vous pouvez consulter notre article dédié aux livres sur l’écriture de scénarios, qui vous permettra de bénéficier d’une approche plus « experte » sur l’écriture de scénarios pour le cinéma.

About author View all posts Author website

Christopher Guyon

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *