Entre les commentaires sur les différentes pages du blog et les nombreux messages privés que je reçois chaque jour sur la page facebook, j’accumule les sollicitations, avec de nombreuses questions de personnes qui souhaitent apprendre à faire des films. Les profils, les parcours et les envies ne sont pas toujours les mêmes, mais il y a quand même des similitudes, des attentes qui se rapprochent. L’une des demandes les plus fréquentes est la suivante :
Par où commencer pour faire du cinéma et devenir réalisateur ?
La réponse la plus facile, et elle n’est pas forcément mauvaise, serait de vous orienter vers les articles sur le sujet, avec de nombreux guides pour se former, autant comme scénariste que comme réalisateur :
- Ecrire un scénario de court métrage
- C’est quoi une bonne note d’intention ?
- La mise en page d’un scénario
- Le découpage technique d’un film
- Comment réaliser un film ?
- Réaliser un film avec un Smartphone
- Matériel pour un film auto-produit
Je pourrais également vous renvoyer vers des ressources extérieures, comme Les meilleurs livres sur le scénario ou les meilleurs livres sur la mise en scène. Ces différentes ressources externes sont écrites par des professionnels et offrent un bagage théorique solide, qui est un bon complément à une formation en école de cinéma. Ce sont même des outils quasi indispensables si vous ne faites pas d’études dédiées aux métiers du cinéma, si vous êtes plutôt un auto-didacte.
C’est en tournant qu’on devient tourneron…
Désolé pour le sous-titre pourri, mais vous connaissez tous l’expression « c’est en forgeant que l’on devient forgeron ». Et bien c’est pareil avec les films. Si je n’avais qu’une seule réponse à donner à vos interrogations, une solution pour devenir réalisateur, ce serait la même pour tous, sans hésiter : Si vous voulez apprendre à faire un film, faîtes un film ! Cela vous fait peur ? Tout le monde à peur, surtout en prenant des risques, surtout face à la nouveauté, l’inconnu. mais ce sont ceux qui dépassent cette peur, qui un jour réussissent. Cela ne veut pas dire que vous n’allez pas faire d’erreurs. Mais ce n’est pas grave, des erreurs, tous les cinéastes en font. Mon premier court métrage, Paris in love, visible ci-dessous, est bourré de défauts. J’ai fait toutes les erreurs que l’on peut faire sur un premier film : trop ambitieux, trop de décors, trop de figurants… et plein d’autres choses encore !
Mais vous savez quoi ? J’ai appris de ce film, et j’ai même eu la bonne surprise de voir le film sélectionné au Festival Off Courts de Trouville, un Festival de catégorie 1, alors que je n’avais fait que 5 ou 6 envois à des Festivals.
Toutes les erreurs que j’ai faites sur ce film m’ont servies. Et comme beaucoup parmi les lecteurs de ces pages, je n’ai pas fait d’école pour devenir réalisateur, je n’ai pas fait d’études de cinéma. Du coup, pour commencer, j’ai écris plusieurs scénarios de courts métrages. Entre février 2011 et octobre 2018, j’ai écrit 7 scénarios de courts métrages, pour 2 films réalisés. Dans tous les cas, n’ayez pas peur, prenez une caméra, quelques amis et tournez un film. Vous apprendrez énormément, bien plus que si vous ne faites que lire des livres sur la mise en scène, aussi bons soit-ils.
Vous ne pensez pas être légitime pour faire des films ?
Bon, tout le monde a des doutes, même ceux qui semblent le plus arrogants. Ils cachent souvent un gros manque de confiance en eux. Le syndrome de l’imposteur, vous connaissez ? Je l’ai encore ressenti il y a quelques mois, quand j’ai vu les CV du chef opérateur et de l’actrice principale recrutés pour mon court métrage Entrevue. Je me suis demandé plus d’une fois pourquoi ils me suivaient, pourquoi ils me faisaient confiance, pourquoi ils s’intéressaient à mon projet alors qu’ils avaient autant de talent et d’expérience. Parfois, il ne faut pas se poser trop de questions, et savoir apprécier et saisir les opportunités.
Et puis arrêtez de vous rabaisser ! Si vous voulez être cinéaste, vous êtes probablement un fan de films depuis de nombreuses années. Donc, dans une certaine mesure, vous avez déjà une formation en cinéma. Vous n’en avez peut être pas conscience, c’est caché quelque part, mais vous connaissez forcément le langage cinématographie et une bonne partie des règles. Je n’oserais pas dire qu’il s’agit de formalités car ce sont de vrais métiers et compétences à développer, mais vous avez quand même un bagage qui va vous permettre d’assimiler rapidement les bases de l’éclairage, des angles de vue, l’échelle des plans ou les mouvements de caméra.
Ce que je vous conseille aussi, c’est de regarder des films. Et là, il faut de tout : les grands classiques, pour comprendre l’histoire du cinéma, découvrir des tendances, explorer des univers… mais aussi des films d’aujourd’hui, pour maitriser les codes narratifs et esthétiques actuels. Variez les plaisirs avec des films français, américains et étrangers, des films d’auteurs et des oeuvres plus commerciales. Lisez des analyses filmiques et explications pour comprendre les intentions de cinéastes, comprendre comment les films sont faits et dans quel but. Vous allez vite cesser de regarder les films en tant que cinéphile et commencer à les disséquer scène par scène pour voir exactement comment ils se sont assemblés. Enfin, ne regardez pas que des longs métrages et des séries. Si demain, vous ferez peut être des films d’une toute autre envergure, aujourd’hui, le meilleur moyen de réussir c’est de passer par la case court métrage ou la Web-série. Si vous voulez voir de nombreux courts métrages de qualités, je vous conseille l’excellent site shortoftheweek, même s’il faut pour apprécier la plupart des oeuvres, être à l’aise avec l’anglais.
Revenons-en à vous, votre projet, votre film. Même si c’est amateur, avec un pote et un smartphone, c’est un vrai tournage. Et continuez. En réalisant d’autres films, même ratés, vous continuerez à apprendre, vous ferez de mieux en mieux les choses, avec plus de monde, plus de matériel, progressivement plus d’ambition… Un jour, vous vous direz « Pourquoi mon son est-il si pourri ? », et vous irez sur internet, chercher des tutos sur Youtube, et vous apprendrez.
Votre volonté d’apprendre viendra de la même volonté d’améliorer la qualité de vos films. Au fur et à mesure que vous montez votre film, vous remarquerez quelques-uns des plans que vous avez oublié de prendre. Peut-être qu’un plan large aurait plus adapté ici ou là.
Concrètement, les livres sur le cinéma, et même les pages de ce site ne vous serviront à rien si vous en restez là, si vous ne pratiquez pas à côté. Lisez sur l’éclairage sans avoir pratiqué, sans objectif, et vous verrez ce qu’il va se passer. Il y a de grandes chances que les concepts rentrent par une oreille, partent à la recherche du théorème de Pythagore, et trouvent une seule solution : ressortir par l’autre oreille pour rejoindre la ou vous avez laissé tous ces concepts mathématiques foireux enseignés à l’école : à l’extérieur, loin de vous, car ils n’ont jamais été associé à un objectif réel, qui vous anime, vous passionne et vous porte.
En revanche, si vous explorez ces concepts (pas le théorème de Pytha… les concepts cinématographiques, soyez attentifs !) parce que vous avez fait des erreurs que vous voulez comprendre, ou pour tourner une scène en particulier, obtenir un effet précis pour la séquence clé que vous vous apprêtez à tourner, là, il y a quand même de grandes chances que vous compreniez ce qu’il en est, même si vous ne réussirez pas forcément tout du premier coup ! Le contexte est essentiel.
Par ailleurs, une fois que vous aurez réalisé 2 ou 3 courts métrages pour trois francs six sous, et que vous aurez vécu la frustration de ne pas pouvoir exprimer votre vision concrètement, de voir que les gens, votre public, ne comprennent pas votre intention, vous absorberez les livres avec une autre approche. Et vous verrez, même après 20 ans ou 30 ans, vous serez toujours un étudiant en cinéma. Ce n’est pas moi qui le dit mais le grand Francis Ford Coppola lui-même !
Une fois que vous avez un peu d’expérience, pensez aussi à envoyez vos scripts à des concours de scénario, et participez à des évènements dédiés au Court Métrage comme le Festival International du Film de Clermont. Apprendre à faire des films, c’est bien, mais au fur et à mesure, il va falloir vous entourer de talents et construire votre réseau. Les Festivals, s’il ne sont pas le seul environnement favorable, sont une bonne base, surtout, si comme moi, vous n’avez pas pu construire un réseau suite à une école de cinéma. Une fois votre film terminé, ne passez pas tout de suite à autre chose. Enfin si, c’est toujours positif de ne pas être que sur un seul projet à la fois, même si il faut savoir prioriser… Développez des choses en parallèle, mais offrez aussi une vie à votre film. Dans tous les cas, même si vous n’êtes pas pleinement satisfaits de votre film (vous ne le serez jamais), envoyez le à des Festivals de Courts Métrages, tentez votre chance, ou mettez le en ligne pour voir ce que les gens peuvent en penser.